lundi 2 juin 2008

"y'a rien qui va, tu peux chercher mille ans, y'a rien qui va nulle part"
on regardait Paris Croisière et Christophe Ondelatte parlait de jesaisplusquoi, j'ai alors prononcé cette phrase et ma soeur en a ri. nos commodes collées l'une contre l'autre sont hautes de telle sorte que ni elle ni moi puissions nous voir, ce qui ici m'arrangeait car mes yeux commençaient à sérieusement s'humidifier devant la révélation que mes propos spontanés était en fait l'évidente conclusion de faits et de réflexions accumulés depuis déjà plusieurs mois.
je pense que tout le monde le remarque, les temps sont incroyablement durs en ce moment, pour toute la terre, à tous les niveaux, comme une sorte de gros nuage gris et opaque qui viendrait nous séparer du ciel, de chaos généralisé empêchant l'évitement, le détournement du regard. je dis "les temps sont durs" plus pour les autres que pour moi car si je n'étais pas aussi chiante je trouverais certainement que ma vie n'a finalement pas tant changé et que surtout rien ne valide ce soudain et définitif assombrissement. impuissante, je regarde, je lis et j'entends, les gens mourir, se plaindre légitimement, souffrir et ne plus pouvoir être heureux, en plus de ça je suis plus délaissée que jamais, à dormir, à ne pas savoir quoi faire, à écouter, à dire, à manger, à faire n'importe quoi un peu à l'image du monde et à ne plus pouvoir écrire que les mêmes ennuyeuses histoire sur cette tristesse acceptée, m'essayant à une fiction qui se débrouille toujours pour rejoindre la réalité, et tout me semble si insurmontable et si cruellement incompréhensible et il n'y aura jamais d'issue, tout va empirer à partir de tout de suite et on aura tous besoin des autres, besoin d'en parler.
tout est enfin pire dans le pire des mondes possibles.
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en cours d'espagnol je lis direct matin, la prof nous projette un film sans sous-titrage et dont j'ai raté le début, je me sens dans l'obligation de ne pas regarder même si quand je lève les yeux je tombe sur une scène particulièrement apaisante et émouvante, des enfants tout droit sortis des années soixante-dix dansent sur "Porque te vas", se moquant de le faire entre filles, ne saisissant pas l'ambiguité.
je lis dans les faits divers qu'un garçon qui jouait au basket est mort après la chute du panneau sur sa tête. voilà le genre d'informations qui parsèment mes journées des nouvelles du matin jusqu'à celles du soir, je ne sais plus comment réagir, parfois mes réactions sont disproportionnées et sur plusieurs jours je reste immobile dans le bus, le regard dans le vide, le livre entre les mains, effarée par tant de gâchis.
je fais un plan dans ma tête : le drame se passe, la tristesse se propage, d'abord de manière direct et violente dans les familles des victimes, puis de manière lente et clairsemée sur la population qui s'y est mise au courant un peu par hasard.

à la dernière heure de français j'ai suivi avec attention le mal de tête s'emparer de la mienne, la serrer dans ses mains, la broyer comme une framboise. à partir de ce moment une seule chose comptait : rentrer à la maison, se laver, manger, dormir. je ne m'étais jamais autant réjouit de l'arrivée d'un bus et de la vision d'un siège vacant, le bus se transformait alors en salle d'attente mobile qui allait me transporter juste à côté de chez moi, il fallait patienter et reprendre avec soulagement la lecture de "toutes les familles sont psychotiques" de Douglas Coupland, un petit pavé compact (comme savent si bien les faire les éditions 10/18) parlant d'un monde et d'une famille qui ne sont pas les nôtres et qui donnent envie de déballer toutes ces conneries sur la lecture comme moyen d'échapper à la réalité. je m'imagine fermer les yeux dans la douche, fermer les yeux dans mon lit.

je cherche le courrier, je crie un petit "ouaiis" en sortant l'épais tas de feuilles que forment le nouveau Technikart accompagné du Technikart mademoiselle, c'est vraiment la fête. en attendant l'ascenseur je déchire le plastique et entends encore comme l'écho du bruit, c'est en fait une voisine qui déchire elle aussi un plastique, la meuf qui vient de nulle part.

après 8 heures passée à trimballer mon corps de salle en salle j'ai enfin droit jusqu'au lendemain au tant mérité repos du guerrier. hier soir on avait prévu d'aller manger des sushis avec emile et myriam mais il est difficile de tenir des engagements pris dans de bonnes dispositions quand la fatigue compte régir vos actes des trois prochains jours. l'époque où je pouvais me permettre d'aller au cinéma le lundi soir est bien révolue.
la douche est chaude et le gel douche auchan à la vanille ressemble, non, est de la crème anglaise, il en a la couleur, la texture et l'odeur, je trouve ça un peu dangereux. je me dépêche parce que j'ai faim, la simili crème anglaise n'arrangeant rien. Ce midi, surestimant ma capacité à pouvoir tenir sans manger après l'évaluation de sport je me suis contenté d'un velouté fruix et des figolu trop trop bons de Cécilia, l'alimentation équilibrée n'est plus mon problème, le temps est à la survie.

le repas est consommé sur la table de la cuisine, les cheveux enveloppés dans une serviette, caviar d'aubergine et kebbeh, après ça vous allez penser que je mange libanais tous les jours mais il s'agit d'une coïncidence, les fruits, eux, sont universels et je finis sur du melon et un abricot obèse et bronzé. Arthur H raconte sa vie à Yves Calvi, une chanson de son dernier album passe, j'ai failli tout vomir.

J'apprends la mort d'Yves Saint Laurent, de ces hommes qui ont révolutionné le monde d'une révolution qui n'est pas venue jusqu'à nous, je n'ai jamais porté de smocking pour femmes. Je pense à Catherine Deneuve que j'ai toujours associé à ce couturier comme Madonna à JPG et qui doit être triste, j'ai encore l'annonce de la retraite d'YSL dans la tête, son dernier défilé. Il y a un mois je disais très sérieusement à ma soeur "retiens bien ça, je sens qu'Yves Saint Laurent va bientôt mourir", ça arrive qu'on ait des prémonitions.
Emile me crie un truc depuis la chambre de mon père, il me le répète cinq fois, je lui demande de venir, il me raconte qu'un garçon est mort dans son collège, "un troisième, il jouait au basket..." et je finis sa phrase. Il me dit qu'ils ont passé une journée spéciale, qu'ils ont écrit des petits mots pour les parents. j'imagine que chaque élève a dû se recueillir dans sa soudaine tristesse et tenter de saisir tout l'aspect définitif qu'a la mort et qu'on met si longtemps à réaliser totalement.

2 commentaires:

Pierre a dit…

putain c'est triste.

vivement la suite!
ton blog c'est pire que LOST.

Zed a dit…

Je ne sais pas si tu le sais, mais c'est très agréable de te lire.
Je suis étonnée que si peu de personnes ne te le dise (du moins, sur ton ton blog).

Tu sais rendre le quotidien poétique.

Bonne continuation