vendredi 6 juin 2008

il me faut des photos d'identité pour mon simili-CV, j'appelle ma soeur pour lui demander si je les fais en couleur ou en noir et blanc, j'ai l'image des filles de mon ancien collège qui se prenaient en photo toutes ensemble façon "tribu qui tient pas dans la cabine", on pouvait voir le résultat sur leur skyblog qui était la plupart du temps en noir et blanc, peut-être essayaient-elles de dramatiser leur amitié, de dramatiser leur jeunesse, d'y ajouter la gravité et le romantisme qui y manquait. mais moi je les connaissais et je savais qu'être leur amie n'était pas digne de cette photo en noir et blanc et qu'il n'y avait rien a espérer de ces filles-là.
ce souvenir en tête, j'ai quand même opté pour le noir et blanc en espérant naïvement que l'absence de couleur dissimulerait mes cernes, mon eczéma qui refait surface, mes cheveux qui ne sont pas très bien, je n'ai juste pas assez dormi, j'ai été conne de faire ces photos à ce moment-là.
ce qui est cruel et énervant c'est que tu payes à l'avance les photos que tu comptes rater et tu n'as droit qu'à trois essais. Ca faisait tellement longtemps que je n'avais pas fait de photo d'identité, je n'ai jamais aimé ça, à chaque fois c'est la même chose : je me sens malmenée, réduite à un rectangle qui m'impose la vérité de mon visage, visage qui est arraché à son environnement naturel là où il n'est pas le centre des préoccupations. tout est fait pour que tout se passe mal : la lumière de parking, le fond blanc, le choix de dernière minute pour trancher entre le sourire ou les lèvres neutres, mais ce que persiste à ignorer le photomaton c'est que mon visage change d'un jour sur l'autre, parfois même d'une heure à l'autre. Baptiste l'avait aussi remarqué et j'étais contente de ne pas être la seule à percevoir ce que personne ne voulait croire. C'est parce que je m'intéresse beaucoup à moi et qu'il en faisait autant qu'on pouvait accéder à ce secret, au secret de mon visage, moi même j'ai mis du temps à comprendre à quoi Baptiste ressemblait, j'avais du mal à me souvenir de son visage sans une photo de lui devant moi et c'est parce que je l'ai beaucoup regardé, que j'ai essayé d'imprimer son visage dans ma mémoire comme du papier carbone que j'ai pu aussi comprendre la dualité du sien. On a tous au moins deux visages, l'un plus inavouable que l'autre, réservé aux proches qui n'ont d'autres choix que de tolérer nos failles, je le sais parce que c'est aussi valable pour ma mère, ma soeur et mon frère.

Une fois les trois essais épuisés j'avais le choix entre la peste, la rage et le choléra. le choléra semblait moins pire que les deux autres alors j'ai appuyé sur impression et quatre petites Murielle y sont sorties. Le résultat sur papier photo était encore pire que sur l'écran, l'impression était de piètre qualité, ma grosse tête prenait tout le cadre, j'avais des zones d'ombre sous les yeux, les traits foncés, ça m'embêtait d'avoir raqué quatre euros pour me voir laide, d'une laideur presque assumée et innocente. je savais que j'allais pourtant devoir recommencer le pénible exercice, sinon je serai prise nulle part.

1 commentaire:

ashorlivs a dit…

Je propose un scan.

Ou alors tu les mets sur ebay.

Ou alors tu fais un Muriellethon (sans jeu de mot) et tu en envoies une aux donateurs. Comme ça. Une personnification des écrits...

Un futur collector qu'on pourra brandir quand tu recevras ton 4e prix Femina et dire "tu vois, elle avait pris Noir&Blanc".