mercredi 7 mai 2008




04H. benjamin est fatigué, je lui demande une seule fois de rester et ensuite je n'insiste pas, il dormait sur la table, les bras croisés, les cheveux humides à cause de la danse. après notre baiser il s'est éloigné, j'aurai dû le lui donner plus tard pour qu'il reste à côté de moi, je m'en veux d'avoir cédé. je l'accompagne jusqu'à son noctilien, j'avais un peu froid et je n'avais jamais vu paris aussi calme, mes pas et ma voix aussi sonores, l'idée d'une ville me paraissait enfin simple et paris pour la première fois n'était plus quelque chose qui me dépassait, que je n'arrivais pas à cerner, tout me semblait organisé, les rues et les trottoirs, les magasins d'habits et les bars, les agences de voyage et les bureaux, c'est ici qu'apparemment les vies se déroulaient.
on parle, je suis un peu fatiguée et je ne dis pas des choses forcément intéréssantes, lui me raconte qu'il aimerait ne plus avoir à boire pour s'amuser, que quand il boit trop il se dégoute et là je deviens un peu plus grave, là je le regarde et je lui dis que c'est triste. je ne connais pas ces/ses problèmes, ils me semblent loin devant moi, peut-être plus à ma portée que je ne le pense, je n'ai jamais été saoûle et je ne bois jamais parce que je n'aime pas le goût de l'alcool, ça n'a rien à voir avec la morale, ma mère n'a jamais eu à s'inquiéter pour ça, je suis pourtant du genre à user excessivement de ce qui me fait du bien, des douches et du coca light par exemple, mais concernant l'alcool rien n'a encore commencé et j'ai toujours pensé assez naïvement qu'il suffisait de deux choses peu quotidiennes pour s'amuser : danser et "faire des rencontres", rarement autre chose.
on finit sur une note triste et il me fait la bise. je repars en courant à toute allure vers le bar.

5H. la soirée se termine comme une chanson qui finit en fondu, le son baisse progressivement jusqu'à la prochaine plage, c'est aussi déchirant que la fin d'un voyage. rodolphe loïc et les autrichiennes sont définitivement dehors, appuyés à une voiture, sarah et john aussi (il me dit qu'il s'appelle john goodman, c'est le nom d'un acteur je crois) , je suis à l'intérieur avec maurad et ses trois amis, je m'approche de lui pour pouvoir l'entendre, je lui parle de son visage qui est spécial, il me parle de son métier et de la couleur indeterminée de ses yeux, que ça pose problème au commissariat, j'imagine son visage dans la lumière de la journée, je ne le connaitrais que dans l'ombre. vers 05h30 je fais la bise aux quatre garçons du bar en ne sachant pas quoi penser, s'il faut prendre ça comme un adieu car j'ai en tête qu'on fait plus d'adieu qu'on ne le pense. rodolphe et loïc, eux ont dit adieu à leurs deux autrichiennes pendant que je parlais à sarah du drame de ne pas pouvoir communiquer tout à fait avec la fille que rodolphe embrasse et qui ne parle pas la même langue que lui, si ça se trouve ils aiment les mêmes écrivains mais ils ne le sauront jamais. leurs langues étrangères qui ne prononcent jamais le genre de même son s'embrassent quand même

on marche à cinq dans la rue, on est une bande provisoire, on parle fort en attendant de tomber sur le métro, c'est le moment tant spécial où il fait jour et où les réverbères sont encore allumés, je lance l'idée d'un petit déjeuner, on cherche un truc ouvert, je suis prête à claquer mes 10 euros pour tout le monde, je commence à avoir faim : c'est le début du recommencement des choses normales, la faim, la soif, la fatigue.je me vois bien acheter cinq croissants mais vraiment rien est ouvert alors qu'il est

6H. j'attends le métro qui reprend doucement sa fréquence normale, pour l'instant il faut encore patienter 12 minutes et j'ai le temps de prendre quelque chose dans le distributeur. une pièce de 2 euros et la liberté de choisir entre n'importe quelles cochonneries, je voulais les madeleines mais il n'y en a plus. à la place je tape le numéro du kinder bueno white, je le mange carré par carré, l'emballage fait du bruit sur le quai silencieux, c'est rudement bon, je pense aux petits enfants qui mangent ça tous les jours à l'heure du goûter avec une brique de jus de pomme, je me dis qu'il n'y a plus que la nourriture qui puisse me rappeler à mon enfance, même les dessins animés sont maintenant en trois dimensions et incompréhensibles.

un homme s'est endormi sur sa chaise et le métro arrive, j'hésite à le réveiller, il est plutôt beau mais le sommeil c'est sacré, finalement il se lève au dernier moment et je regarde ses cheveux dépassés de son siège et l'écouteur blanc dans son oreille jusqu'à Saint Lazare.
saint lazare est vide, il faut encore du temps pour que les personnes qui le peupleront se réveillent et s'habillent, les grillages des magasins fermés comme des paupières, le petit vent qui traverse les rues. je prends le train qui part tout de suite, je ne sors pas de livre, j'écris juste dans mon carnet les idées qui me sont venues et les choses qui me sont arrivées durant la soirée, benjamin qui m'offre une rose trouvée dans une poubelle, ces choses dont je n'ai pas parlé, ce sera dur de ne rien omettre et j'ai conscience du travail qui m'attend, devoir douloureusement repenser à tout.

chez moi tout le monde dormait, je passe devant les chambres, j'ai la vision de toute la famille qui dort en me faisant dos, il était un peu plus de 7 heures du matin et mon père se réveille souvent par là, je m'attendais à une confrontation, à des explications balbutiées, et pourtant tout se passe étonnament comme je l'ai souhaité sans l'espérer, j'aurai pu prendre le métro à 02h et ne rien vivre de ce que vous venez de lire.
j'entre dans ma chambre, et je pose mes affaires, il y a encore les cadeaux de ma mère sur mon lit, je mets tout par terre et j'ouvre la couverture au cas où mon père se réveillerait, je devrais alors faire semblant de dormir. je me déshabille, je prends mon temps pour me laver le visage, me démaquiller les deux yeux, je vais dans la cuisine déjeuner silencieusement debout face à la fenêtre, des biscuits et du lait tiède que je viens de sortir car il n'y en a plus dans le frigo, le ciel est blanc et le soleil rond et orange, j'ai l'illusion d'être matinale, aujourd'hui j'ai vu le jour alors je peux me permettre de dormir toute la journée. je me réveille à 14h sans savoir que ma mère n'a pas l'intention de me gronder.

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