jeudi 13 mars 2008

Je rentre chez moi, je porte mon manteau gris et mon bonnet gris, ma besace grise. Il y a de la pluie sur mes lunettes, c'est pas très esthétique, la pluie aime bien les vitres, les gouttes peuvent être vues par tout le monde sur une vitre, dans tous les sens, de tous les côtés, ça doit leurs plaire, parfois en cours je regarde Julie et je lui dis "regarde, les vitres pleurent" et on rigole de mon simili-lyrisme.

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Je vois des gens rentrer chez eux, ils ouvrent des portes et des portails, les referment derrière eux, s'enferment chez eux, ont des badges et des trousseaux de clé imposants avec des nounours miniatures accrochés dessus. Si vous leurs demandiez pourquoi ils accrochent d'aussi gros portes-clés ils vous répondront que c'est pour les retrouver plus facilement, car les clés c'est lourd et ça a la sale manie de sombrer au fond des sacs. Ces gens sont à première vue accessibles, donnent l'illusion qu'on peut commencer par dire "sale temps n'est-ce pas?" pour les aborder, on peut les voir de très près, parfois même leurs attribuer quelques défauts, d'abord distinguer la marque de leurs chaussures et puis celle de leur sac ou de leur manteau. Je pense ne pas mentir en disant que dans les rues se distinguent deux sortes de personnes : celles qui désirent être dérangées et qui parfois ne sortent que pour ça et celles qui sont ici malgré elles, parce qu'elles ne peuvent pas travailler à domicile ou être gardien d'immeuble, il faut encore qu'elles sortent, qu'elles enfilent des manteaux sombres et qu'elles fassent plusieurs tours avec leurs écharpes autour de leurs cous chauds et endoloris, qu'elles sentent l'odeur du café leur revenir quand elles respirent la bouche cachée dedans, les restes de biscottes entre les dents, les yeux particulièrement ouverts, la forte acuité visuelle et auditive des matins où l'on a mal dormi.

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