jeudi 13 mars 2008

Dans la salle un mec me demande un mouchoir, c'était marrant parce que justement la grande question mentale de cette semaine pour moi c'était "peut-on demander un mouchoir à un inconnu dans la rue?", Je sais que je me sens souvent incapable de demander quoi que ce soit à n'importe qui dans la rue, parfois pour une indication ça s'impose mais tous les gens me font peur et quand je leurs parle j'ai comme la mauvaise impression de rentrer par effraction chez eux, de leurs en demander trop, je me sens obligée d'imaginer leur famille et leur vie et tous ces trucs que chacun aime et possède, et aussi ce qui me gêne c'est de ne pas pouvoir les toucher plus que ça, j'aimerais bouleverser tout le monde, bouleverser les gens en demandant l'heure, j'aimerais passer avant tout, que tout le monde soit d'accord avec mes choix, être quelque chose comme la meilleure et la plus aimée. On a beau bouger dans tous les sens, ce qu'on fait n'a d'impact que sur un périmètre qui dépasse rarement celui de notre chambre. Mon impuissance ou ma force trop faible me déprime.

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Le film était bien, mentalement je lui donnais 3,5/5, c'était donc une bonne soirée et maintenant je comptais rentrer chez moi. J'aurai pu prendre un café quelque part ou n'importe quel truc qui tienne dans un verre et observer les gens, être fière de ma solitude et la considérer comme une forme de sagesse mais je n'en avais pas le courage, je voulais retrouver mon lit, lire les nouvelles sur internet, regarder un film et boire toutes sortes de trucs chauds et froids chez moi. Sur le trajet qui mène de la gare SNCF à ma résidence j'ai pensé à la pollution lumineuse et à un site que j'avais découvert et qui montrait des vidéos d'activistes qui sabotaient les enseignes lumineuses des magasins en expliquant que la pub continuait même la nuit à l'heure où les magasins sont fermés, après un homme est passé devant moi et ça m'a fait réfléchir à une chose différente, je me suis demandé ce que pouvait éprouver un garçon qui rentre chez lui la nuit, s'il prenait en compte la possibilité d'une agression comme nous les filles nous pensons constamment à celle d'un viol.

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Une fois chez moi j'ai nettoyé ma peau et enfilé un bas de pyjama, un débardeur et un sweat noir informe Go Sport qui a le mérite d'être très doux à l'intérieur, mon frère et moi avons échangé de chambre pour la durée des vacances car il me fallait du calme pour travailler et faire mes petites affaires alors que lui voulait passer ses nuits à regarder des saisons entières de séries avec ma soeur. Il a donc pris mon lit et moi le sien, embarquant avec moi quelques dvds, un bloc notes, un stylo et quelques livres qui restaient étalés toute la journée entre la moquette et la table de nuit. Chaque soir en me glissant à l'intérieur c'était un rituel que j'accomplissais, qui me rendait heureuse et que je savais temporaire. J'avais toujours désiré une chambre à moi et depuis ma naissance je ne l'avais jamais eu, j'étais condamnée à partager 4 murs et une fenêtre avec ma soeur et aujourd'hui je réalisais que c'est cela qui me manquait le plus, le mode de vie que j'aime ne pouvait s'accomplir qu'ici, dans le silence et entre les objets achetés avec mon argent. Ma soeur aime beaucoup regarder la télé alors que moi je commence à la délaisser progressivement, depuis quelques mois cela créer des conflits, avant nous avions l'habitude de regarder les mêmes émissions en même temps. Je peux dire que toutes mes occupations se font en silence si on met de côté l'écoute des albums que j'achète, mais j'ai pris l'habitude de ne les écouter que tôt le matin où à certaines heures de l'après-midi quand la maison est vide, dans ces moments je m'autorise à hausser le son jusqu'à ce qu'il atteigne la pièce la plus lointaine de l'appartement.
J'ai toujours imaginé et voulu que mes choix musicaux imprègnent inconsciemment la jeunesse de ma soeur, qu'elles se remémorent avec nostalgie des écoutes répétées de certains groupes, je sais qu'elle aimait les Libertines, Adam Green et plus récemment Belle & Sebastian. Quelque part je pouvais être fière de moi.

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