jeudi 13 mars 2008

J'ai cherché et retrouvé une ancienne compilation qu'on avait faite avec mon ancien petit copain Baptiste, il y avait un petit tas de chansons qui à l'écoute appuyaient là où ça fait mal, un peu comme le jeu de société Doctor Maboule, ça frappait sur des points sensibles, ça allumait des diodes rouges, c'était à la fois extrêmement jouissif et triste à en pleurer, je me suis sentie ridicule et j'ai regretté des choses. En 16 ans et des miettes je me souviens avoir rencontré des gens super bien, talentueux et qui m'aurait grave amélioré la vie si j'avais seulement pu les retenir. En fait on se rend compte que tout le monde part et on croit que personne ne pense à nous pendant que nous on pense à eux dans notre chambre, j'aimerais me dire que c'est faux, que c'est tout sauf vrai. Après l'écoute j'ai failli envoyer un mail à Baptiste mais ça aurait été comme un mini-suicide.

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J'avais veillé jusqu'à environ 4 heures du matin, j'avais regardé un film et discuté sur internet, mon portable était trop loin de moi et j'avais eu la flemme de mettre le réveil, je me faisais confiance pour me lever avant midi mais précisement le contraire s'est produit et je n'ai repris conscience qu'à 14h10. Je m'étais promis de sortir tous les jours de chez moi, je supporte de plus en plus difficilement de rester 24 heures sans sentir le ciel au dessus de moi, le léger tremblement de l'air qui rappelle l'infinie étendue des villes qui donnent l'air de se prolonger jusqu'en Australie. j'avais pour projet d'aller voir John John dans un petit cinéma pas loin des Champs-Elysées. Emile passait une bonne partie de ses après-midi en bas de l'immeuble avec des garçons plus petits que lui, il prenait sa douche, enfilait ses Nike et descendait jouer à des trucs qui demande pas de matériel particulier. C'était la vraie vie, les petites amitiés, les conflits qu'on imagine et l'énorme goûter où l'on ne compte pas les calories.
Il est remonté, il voulait aller au cinéma. En ce moment il aime sortir le soir, il a besoin de se défouler et je ne peux que le comprendre. Pour ma séance sur les Champs c'était trop tard, je lui ai proposé d'aller voir avec moi "l'Heure d'été" et que s'il voulait on pourrait aller au Mcdo juste après mais qu'il fallait qu'il demande à ma mère de l'argent pour financer tout ça, pour financer la sortie du siècle. Elle lui a filé un billet de 20€ et deux tickets de train, on a enfilé nos manteaux puis on est parti.

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On marchait lentement, on pensait qu'on avait le temps, il me parlait d'une discussion sur le suicide qu'il avait eu avec un mec. Le mec disait qu'il voulait pas vivre vieux et qu'il se suiciderait à 90 ans, mon frère lui a conseillé pour son suicide de ne pas faire de sport et de manger tous les jours du Mcdo. J'ai d'abord pensé que 90 ans c'était déjà vivre vieux et puis ensuite que mon petit frère se faisait une image un peu trop coul de la vie mais que ça allait passer, comme un peu tout, c'était la prochaine étape. On a aussi eu le temps de parler de religion, je lui ai dit qu'intelligent comme il est il tarderait pas à bientôt être incroyant mais il a dit qu'il avait peur de l'être, j'ai pensé que Dieu était comme un chien, il sentait tout, il sentait quand quelqu'un avait peur, ça va pas le faire. On est passé devant le bus histoire de voir s'il allait peut-être arriver mais il venait dans trop longtemps. On a longé le marchand de fruits, les boulangeries, les traiteurs et les banques, les petits commerces de proximité où la survie des propriétaires semble en jeux chaque jour, le train arrivait et on était encore loin, on a couru comme des dératés, ça nous a fait du bien, on était essoufflé.

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Le film était très bien, discret et intelligent, parfois je me penchais vers Emile pour lui demander s'il comprenait tout. Quand ça parlait de la mort je flippais un peu pour lui, un moment je l'ai vu prier en plein milieu du film, je l'ai grondé, j'ai soupiré, je lui ai dit "je vais le dire à maman", j'étais désemparé, personne ne s'occupait de lui et il commençait à devenir parano, à s'inventer des histoires de mort et de superstition dans sa tête seule.

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Comme prévu on est allé au Mcdo, j'avais envie de le gronder mais ça m'est vite passé. Il a commandé tout seul comme un grand, sa tête dépasse le comptoir donc ça va. Il a pris un filet o'fish comme il restait plus que ça, une grande frite et un grand nestea. pendant ce temps je cherchais une table et je m'installais. J'étais un peu à l'étroit et j'avais deux conversations à suivre des deux côtés. Y'avait des meufs à ma gauche qui discutaient, elles parlaient de H&M et des hauts qu'elles avaient récemment achetés là-bas. puis y'en a une qui a dit "Là on va se faire un ptit film tranquillement, on va bien rigoler". J'aime bien les gens qui disent des trucs louches comme ça, j'ai sorti mon carnet de notes et j'ai noté sa phrase parce qu'elle était longue et que j'allais vraiment pas m'en souvenir, je pense qu'elles allaient voir "bienvenue chez les ch'tis". J'ai demandé à Emile la note qu'il mettrait sur 5 au film, il a répondu 3,5/5, c'était très coul parce que j'avais mis exactement la même note dans ma tête, je le trouvais mature parce que le film était un peu adulte. Quand je lui demandais ce qu'il aimait dans le film il répondait comme quoi il aimait bien la gueule de certains personnages et qu'il avait trouvé trop beau un vase qui a son importance dans l'histoire. Je lui ai expliqué certaines choses, je lui ai dit que ce film devait forcément le dépayser comparé à tous ces trucs de superhéros qu'il adore. Je lui ai expliqué la notion de fin ouverte parce que la fin du film l'avait complètement déconcerté, il comprenait pas qu'on puisse faire une fin qui ressemble autant à un début. J'ai porté son plateau jusqu'à la grande poubelle avec écrit MERCI dessus, à une époque je m'amusais à photographier tous les "merci" que je voyais dans la rue et les lieux publics, j'en avais trouvé un petit paquet.

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On a pris le train, on s'est arrêté devant une machine à café pour prendre un chocolat chaud pour lui et un café au lait pour moi, on avait pas capté que la machine rendait pas la monnaie et on avait 40 centimes de crédit, on a repris un chocolat chaud mais il nous restait toujours du crédit, ensuite on est parti pas très en colère, ça allait, peinard.

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