dimanche 20 juillet 2008

ce soir j'ai fini ma lecture d'"Un homme qui dort" de george perec, un petit livre de 140 pages qui m'a pris 3 jours, charlette l'avait acheté pendant l'année, je l'avais feuilleté pendant qu'elle et cécilia commandaient du mcdo, je trouvais ça bien, ça me faisait penser au "Je mange un oeuf" de nicolas pages, la phrase-verbe dans tous ses états, "j'achète du pain, du jambon et du dentifrice, je rentre, je me déshabille, je me lave", ça et rien d'autres sur plus de 200 pages, ce que sur la 4ème de couverture de perec ils appellent "l'expérience de l'indifférence", ce qui m'avait attiré, passant moi-même de plus en plus par des périodes d'insensibilité généralisée, mais ça ne dure pas longtemps et ça finit toujours par évoluer en dépression. Dans le livre de nicolas pages ça le faisait, malgré l'extrême facilité du procédé et la paresse qu'on peut y deviner, perec c'est autre chose, le lecteur arrive toujours à deviner l'humeur dans lequel l'écrivain éxécute un livre, chez George Perec il y a ce petit côté "Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur", quand la littérature se pare d'un L majuscule, que la lecture devient récitation d'un psaume. "l'expérience de l'indifférence", l'indifférence du roi Perec vs. les autres, la masse.

Un peu dégoutée et énervée par ma lecture de Perec, j'ai tout de suite enchaîné sur "Petit-déjeuner chez Tiffany" à la façon d'un verre de lait qui ferait passer le mauvais goût du sirop pour la toux, et là j'y ai retrouvé les joies toutes simples d'une plume salingerienne, les passages qui me font sourire, me mettent les larmes aux yeux, comme celui-ci
Je découvris en observant la coreille à rebuts devant sa porte que ses lectures habituelles consistaient en digests, dépliants de voyages et cartes astrales; qu'elle fumait une variété ésotérique de cigarettes appelée Picayunes, qu'elle se nourrissait de fromages fermiers et de toasts Melba, et que son bariolage capillaire n'était point exempt des secours de l'art. Je découvris également aux mêmes sources qu'elle recevait des lettres du front par sacs. Ces lettres étaient toujours déchirées en longueur comme pour marquer des pages. Il m'arrvait de temps à autre pour mon usage, de ramasser une de ces marques en passant. "Te souviens-tu?" ou "tu me manques" ou "il pleut" ou "je t'en prie, écris" et aussi "malheur et damnation" étaient les mots qui revenaient le plus souvent sur ces langues de papier. Ca et aussi "solitude et "amour".
"J'appris aussi qu'elle avait un chat et jouait de la guitare. Les jours où le soleil tapait dur, elle se lavait la tête, et elle et le chat, un matou, écaille et tigré, s'installaient ensemble sur l'échelle d'incendie pendant que ses cheveux séchaient au son de la guitare. Chaque fois que j'entendais la musique j'allais m'asseoir sans bruit près de ma fenêtre. Elle chantait d'une voix rauque et cassée d'adolescente qui mue. Elle connaissait tout les airs en vogue."

Juste pour revenir un peu sur Salinger,
salinger ça a toujours été ce que j'ai souhaité accomplir en écriture et aussi ce que je me sentais capable d'accomplir, les thèmes à aborder pour que ça marche : l'innocence, la réflexion anodine, les remarques anecdotiques mais lourde de sens, l'errance, la solitude juvénile, le look preppy, la nostalgie d'une vérité perdue en même temps qu'une innocence, le graffitis grossier qu'holden caulfield efface du mur de l'école de sa petite-soeur pour ne pas que les petits le lisent, et puis derrière ces trois ouvrages miraculeux un écrivain dont on ne sait rien mais dont on peut facilement imaginer un mal-être gigantesque, un refus catégorique de se baigner dans la même eau que les autres, et aussi ce refus d'être médiatisé qui confirme l'immense sincérité et pureté de salinger. A 13 ans, tout ça me grillait le cerveau, toute cette beauté c'était insoutenable.
Je compte relire Salinger, je ressens le besoin d'un retour aux sources, c'est à partir de la lecture de l'attrape-coeurs que j'ai commencé à écrire sérieusement, le premier blog ouais bon, pour le lecteur ce n'est que peu de choses mais de mon côté j'ai l'impression qu'il s'agit de revenir sur toute ma vie quand je parle de ce commencement.
Au début je plagiais gentiment salinger, disons que c'était plutôt inconscient, ce qu'on appelle de "l'intertextualité", une naïveté dans la façon de tout déballer sans trier qui m'appartenait et des "et tout" de conclusion directement empruntés à salinger, à cet âge je n'avais pas d'ambition sinon celle de recopier ce que je jugeais beau, l'innocence se plaçait là où maintenant se trouve le besoin de reconnaissance, l'envie d'avoir sa place quelque part en littérature, de survivre à quelque chose, je n'avais rien à défendre et tout à construire, aujourd'hui ma situation n'a pas tellement changé mais il faut juste se battre calmement pour ne pas se pervertir, s'user tout à fait, se souvenir de ce qui nous a façonné, sans cesse avoir en tête que la littérature et le travail d'écriture m'ont littéralement tout apporté et que rien d'autre n'a été capable de ça.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

salut murielle, je t'ai envoyé un mp.

Juliette a dit…

Murielle je te suivrais au bout du monde.

Murielle Joudet a dit…

<3 <3 <3 Juliette <3 <3 <3


(apparemment c'est comme ça qu'on fait les coeurs chez les jeunes)

Anonyme a dit…

quand on parle de l'attrape-coeurs, j'aime bien raconter mon expérience du livre, je l'ai déjà raconté mille fois alors je le précise comme quand je raconte une histoire pour la énième fois : ma mère m'avait prêté le bouquin et... ça m'arrive rarement mais bref j'ai dû avoir envie de lire. elle ne m'en avait rien dit, en fait je croyais que c'était absolument inconnu. alors que c'est un bestseller. et tout en pensant que peut-être un type de l'arkansas ou de l'iowa ou de l'idaho ou même du groenland l'avait écrit, j'ai trouvé ça génial. comme quoi best seller différent de merde. quand je l'ai lu j'ai découvert le "et tout". c'est depuis, et consciemment la plupart du temps, que je l'utilise. PS : tu as quoi contre rousseau ? et je parle de mes anecdotes mais ça n'est pas comme ça qu'il faut penser. il faut surtout penser que si je n'ai rien à dire sur l'article à proprement dire, c'est parce qu'il est déjà parfait ; et ensuite, il faut penser que, maladroitement, j'ai l'impression qu'écrire un long commentaire témoignera du fait que je m'intéresse à ce que tu fais. donc, le contenu, on s'en fout. l'important c'est juste qu'il y ait un long commentaire qui n'a pas de rapport direct avec la tranche. ETC ETC

Juliette a dit…

Mais les courts commentaires d'amour, ça compte aussi ! Ça traduit l'éblouissement etc. Et la concision témoigne d'une certaine clarté de nos sentiments, car ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, Bois L'eau et tout.

Murielle Joudet a dit…

(éclaircissement de voix) je tenais à dire que je n'ai rien contre Rousseau, c'était juste pour illustrer mon propos, le côté "je suis le précurseur de ceci en littérature et j'en ai bien conscience", quelque chose dans le genre.
moi ce que j'aime ce sont les commentaires, longs ou courts, du moment que ça reste drôle, gentil ou pertinent.
Alice : j'aurai bien voulu et même adoré que ma mère me fasse découvrir l'Attrape-coeurs, je regrette un peu de ne pas avoir eu des parents qui lisent.
mais bon, je n'ai pas eu une enfance si malheureuse et ma maman fait bien la nourriture et les ourlets sur mes jeans...non je ne peux décidement pas vivre sans elle.
:-)