dimanche 27 juillet 2008

improvisation

le café peut se diviser en trois parties, en trois couches, inégales et de différentes couleurs, comme celle d'un napolitain - entre nous ça fait des années que j'en ai pas mangé. L'intérieur du café, "l'intérieur" qui s'oppose à la terrasse, quand tu vas au café avec une personne, ce grand moment de liberté où aucune discussion n'a commencé, aucune commande et même pas le choix de la place, là il te demande où tu lui demandes "en terrasse ou à l'extérieur?" ou alors "dehors ou dedans?", selon vos humeurs et celle du ciel, selon le grain de ta peau (se montrer à la lumière du jour avec ce bouton...), si tu t'apprêtes à lui faire une confidence qui aurait alors besoin d'une ambiance tamisée ou de joyeux commérages murmurés à voix haute et dont chaque passant en emportera un bout, (tu peux imaginer qu'un peu plus loin les passants se réunissent pour recoller les bouts de phrases récoltées et ainsi reformer la phrase entière).

Donc l'intérieur, séparé de la terrasse par la baie vitrée, puis la terrasse, quelques tables, souvent deux chaises pour une table comme il y a deux yeux pour un nez; les chaises regardent la table. certains passants cessent leur marche linéaire et se glissent devant une table, l'espace est souvent exigu, il faut parfois faire se lever des gens, bouger des tables, des choses comme ça.
on y commande un café ou ses variantes, ou alors un soda, quelque chose avec de la fumée ou quelque chose avec des bulles.
finalement les cafés sont comme les hôtels, le décor change mais on n'y trouve toujours les mêmes choses, ils sont hors du pays, au milieu du monde, ce sont des points de repères pour chaque homme : je ne sais pas ce que vend cette boutique, de quoi sont remplis ces appartements mais je sais ce qu'on trouve dans ce café, et que j'y suis la bienvenue.

puis le trottoir, une longue bande de chewing-gum gris déroulée aux pieds des clients en terrasse, le tapis rouge, la croisette banalisée, on passe, on se dandine, on se pavane, on se presse, on se trouve bien habillé et les clients-en-terrasse, photographes sans appareil, assistent et retiennent tout cela, emportant un visage, un vêtement, une coupe de cheveux à essayer, "tiens ce sac est beau", "tiens cette fille est belle" une mèche blonde derrière une oreille, une braguette ouverte, des pieds négligés, une odeur de parfum, de vrais parfums qui durent, les chanel et les guerlain, ceux qui savent tellement bien suivre les femmes avec un petit temps de décalage, un chien invisible.

on ne parle pas de ce qui se passe sur les terrasses de café, tout ça appartient beaucoup trop au hasard, au choix spontané du client(choix de la table, de la commande, le fil de la discussion), choix impossible à prévoir et à mesurer, alors on laisse faire, on nie tout, tout ce qui se passe tous les jours dans toutes les villes du monde alors qu'il s'agit d'un véritable phénomène de société.

les trois couches du napolitain, les clients de l'intérieur regardent la terrasse qui regarde le passant qui regarde ses pieds.

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