mercredi 9 juillet 2008



Je tiens une canette de Coca Light, je suis sur le point de l'acheter. ma main tremble indépendamment du reste du corps, je dis à Charlette "trop bizarre ma main tremble", elle dit "ouais c'est bizarre", la femme qui paye devant nous me dit sans me regarder "c'est à cause de la fatigue" je lui dis "ah, je sais pas", toujours sans me regarder et en tendant un billet de 50 euros "mais si c'est à cause de la fatigue, de la tension faible", elle me dit ça exactement comme si ça avait été ma mère, une exaspération qui dissimulait une bienveillance évidente.

Je me suis souvenue de cette nuit d'un autre temps où mon corps entier tremblait sans raison précise, ni à cause du froid, ni à cause d'une maladie, juste le corps qui vibre entièrement, inconsciemment, et on essaye de prendre le dessus mais on vibre encore, on s'endort comme ça.

"C'est vrai que j'ai dormi que 5h, de 5h à 11h...6h quoi" "ah bah voilà" me dit Charlette, puis on discute de la couleur de paille qui irait le plus avec sa canette de Minute Maid, moi je penche pour la verte, elle pour la jaune "mais nan y'a pas de jaune c'est du orange", Cécilia fera la différence, ce sera la jaune.
et on part s'asseoir à une table, on emporte des bouts de cake choppés dans des paniers avec écrit "Servez-vous".

un peu plus tôt, à 15h30 heures en fait, j'avais donné rendez-vous aux filles pour qu'on aille rendre nos manuels scolaires au lycée et puis il fallait aussi que je fasse tamponner les papiers pour la carte Imagine-R, ma mère me faisait chier avec ça depuis une semaine, et quand je lui demandais de prendre rendez-vous chez l'opticien et que ça faisait bien un mois que je le lui demandais elle me répondait "et moi quand je te demande pour la carte Imagine-R...".
J'ai ressenti une forme de joie en sortant du lycée, la sensation d'avoir accompli quelque chose d'utile et de concret.
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Cécilia me racontait que Marie n'avait pas pu partir dimanche en Italie parce qu'elle n'avait pas l'autorisation de quitter le territoire, ce qui faisait qu'elle était toujours ici, peut-être au cinéma.
Le temps était doux en dehors de ce grand vent froid qui expliquait mon pashmina bleu marine autour du cou. Je regardais plus que d'habitude les tenues des gens pour voir ce qu'on pouvait bien porter par ce temps indécis. J'ai vu des débardeurs, des gilets et des vestes.
quand j'étais plus petite ma mère me reprochait toujours de ne pas assez m'habiller en hiver et de trop m'habiller en été, moi je ne pensais qu'à une chose : porter mes beaux habits, tant pis s'il fallait avoir froid toute la journée. et puis vous savez comment c'est, l'esprit d'aventure s'estompe avec le temps et je suis devenue douillette comme une vieille personne, je crains n'importe quoi, la chaleur comme le froid, je commente la météo à haute voix, et l'eczéma et les soudaines pertes de cheveux, et la sale vue, les acouphènes, pas un jour où en plein milieu de la rue je me sens fatiguée, bref je suis presque morte, et cette fatigue et cette faiblesse perpétuelles me complexent par moment, m'empêchent peut-être d'accomplir de grande chose, de grandes études, je ne tiens pas longtemps en mode "révisions", je me cherche de la fatigue pour m'arrêter. Je suis un chewing-gum usé vieux rose.
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Cécilia pensait que Marie devait être au cinéma, sur son portable ça tombait directement sur le répondeur et aucune d'entre nous n'avait envie de rentrer chez elle. Nous sommes allées au "Moule à gateaux", c'est encore au Dôme, c'était notre première fois. Charlette voulait s'asseoir et moi j'avais soif. Les gâteaux dans la vitrine étaient brillants et gonflés, tous réguliers, les uns derrière les autres, comme de délicieux clônes. On faisait la queue pour des canettes et puis vous connaissez la suite, la main qui tremble, "mais si c'est la fatigue", "j'ai dormi 5h", "ah bah voilà".

Je me souviens leurs avoir parler de ce message lu sur internet et qui disait :
"Salut Murielle (qui s'exprime ici sous le pseudo de Vernis), on était en classe ensemble l'année dernière, je ne t'aime pas vraiment (tu vois qui je suis...), je trouve que tu te la pètes, et je ne suis pas le seul (alors tu ne vois peut-être plus qui je suis). Je suis allé voir ton blog (moi aussi j'écris, mais je n'en fais pas tout un plat, j'apprends, je prends mon temps), et pour moi tu es la Cindy Sanders des lettres françaises. S'il te plaît ma jolie (figure de style...), arrête d'écrire. "

Je l'avais trouvé extrêmement puérile, lâche et surtout très faux, "la Cindy Sanders des lettres françaises" ça ne voulait rien dire, ou si ça voulait dire quelque chose c'était peut-être que mon écriture est clinquante et creuse. Bref j'aurai préféré quelque chose de plus juste, des termes plus réfléchis, au lieu de ces reproches aveuglés par -je pense- la jalousie, et surtout la question qui se posait était : qui pouvait bien être à l'origine de cette merde?
J'ai dit à mes copines que je ne supportais pas la haine et les reproches, et un peu excessivement, que ça me traumatisait. Je me souviens d'une note de mon blog Ouais Bon, celui qui était rose, qui avait fait le tour de la classe parce qu'une fille qui trouvait l'article juste l'avait copié/collé sur son Skyblog. Ca parlait des filles de ma classe, de leurs styles, de leurs codes et de ce que j'en pensais. C'était un peu dur mais inoffensif. Charlette m'a justement dit qu'elle l'avait relu il y a quelques semaines et qu'elle trouvait que je n'écrivais plus du tout de la même façon, qu'avant je jugeais beaucoup, et j'ai dit que c'était vrai.
Je juge beaucoup mais dans mon coin, parce que moi aussi je suis lâche et que je ne vaux rien en confrontation, et puis je ne fais qu'observer et puis parfois mes observations se muent en jugement. On pensait toutes à une fille de ma classe de seconde qui aurait pu être à l'origine de ce message, on ne voyait qu'elle alors qu'elle était plutôt sympa avec moi, qu'elle ne m'a jamais fait aucun reproche, rien du tout, à part en début d'année, Cécilia m'a dit que dans les vestiaires elle avait parlé de moi, qu'elle avait dit comme quoi "j'étais moche" (fou rire au moment de l'écriture). Les autres semblaient tellement connes à nos yeux qu'on ne les imaginait pas écrire ça et puis le message était écrit au masculin mais ce n'est que la preuve d'une immense lâcheté.
Tout ça pour dire que j'ai conscience que je peux être parfois un peu tête à claques ou prétentieuse et que de la haine puisse naître dans la tête de certains lecteurs parce que, trop d'épanchements, de nombrilisme, trop de "je" et qu'à force cela peut coller aux doigts (le vieux chewing-gum rose), devenir envahissant et indigeste, l'aspect sobre de mon blog n'est là que pour contrebalancer ça. Mais rien de tout ça n'est vraiment important même si ça nous a bien fait passé 10 minutes et ayant calculé l'heure à laquelle Marie sortait de sa séance je l'ai appelée et lui ai dit de nous rejoindre, qu'on était au Moule à gâteaux.
On avait vu juste, elle était allée voir "Bons baisers de Bruges", d'ailleurs tout le monde ici l'avait vu sans qu'on se concerte où quoi que ce soit. C'était marrant, moi je l'avais vu hier à 22h, j'avais détesté mais ça m'avait changé les pensées, j'étais vraiment abattue à cause de vous savez quoi.
je vous raconte un peu ce qui s'était passé de rigolo dans le bus : le chauffeur avait mis de la musique, "In the deathcar" d'Iggy pop et Goran Bregovic et une passagère était venue le voir et lui avait dit "vous écoutez Goran Bregovic? mais c'est très biien, c'est tellement rare, ah mais Bregovic il faut le voir sur scène hein" et lui il avait dit qu'il aimait surtout Kusturica. Ce chauffeur parlait à tout le monde, il était 22h, presque personne dans le bus, une pression de moins, les rues semi-désertes, il roulait à toute allure, le bus c'était son palais c'était fluide. Quand la dame est partie il a enchaîné sur du rap français et commençait a chanté, je me suis dit "si elle avait été là..."

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