mercredi 22 octobre 2008

"On ne se souvient pas du passé, on l'imagine."
Richard Ford - Péchés Innombrables

fin du cours, rien ne s'était passé.

j'avais juste aimé que deux heures avant le prof de philo parle d'amour et de jalousie, ça m'avait fait un truc au ventre, j'aime bien me sentir directement concernée par le cours, prendre le cours comme un conseil.
En cours de littérature, avec Julie on a passé l'heure a traiter la prof, à faire les cases de la mort (je vous montrerai un jour) et à calculer le total en € de ce qu'on portait sur nous. Mon manteau et mes bottes coûtaient chers mais le reste était vraiment pourri (culotte Snoopy et jean Gap à 15€) quant aux bottes de Julie, elles coûtaient en réalité 100€ seulement c'est sa copine Chloé qui les lui a donné et la réparation du talon n'avait coûtée que 15€ et sur la feuille on avait mis 15, résultat : je gagnais avec quelque chose comme 231€ contre 187€. Demain je vais mettre mes habits les plus chers pour encore lui faire la nique.

Quand la sonnerie a retentit mon ventre pleurait, je me sentais remplie d'électricité, c'était l'heure d'aller en histoire géo.

Vendredi j'ai dû lui envoyer un mail en me rendant compte qu'une des chansons de la compilation ne marchait pas, le lendemain matin je m'étais réveillée avec l'idée du mail dans la tête et de fautes que j'avais commises, que j'aurai pu éviter en modérant mon impatience. Plus tard j'ai réalisé que j'avais envoyé le mail à une mauvaise adresse et que je pouvais à ma guise repenser le mail.
Dimanche soir en rentrant (de) "De la guerre", 2h10 un peu chiantes, parfois assez belles, avec toujours les mêmes actrices qui se téléportent de film en film : Clotilde Hesme, Léa Seydoux, ce genre de nanas.
En allant sur ma page netvibes, en me déchaussant, et même un peu avant sur le trajet, même samedi, je m'étais dit "dimanche soir : il est juste impossible qu'il n'ait pas lu mon mail", je le voyais bien revenir d'un week-end mouvementé et lire ses mails le dimanche comme on ouvre une boîte aux lettres le samedi, sans grande conviction. A 20 heures je l'imaginais bien faire le point, préparer sa chemise pour le lendemain, réintégrer la réalité des cinq jours.

Il m'avait répondu,
ça faisait quelque chose comme 4 lignes, il me remerciait encore une fois, il me disait qu'il prendra le temps de la savourer pendant les vacances avec les quelques romans qu'il avait en retard, quand il n'y aura plus de copies à corriger, d'éditrices pressées...c'était ses mots.
Et aussi, le plus important, que c'était rare qu'un élève apporte quelque chose à un prof plutôt que le contraire.
Il avait mis beaucoup de points de suspension mais ça ne m'a pas irrité parce qu'il les plaçait bien et que ça évoquait assez justement la suite de sa pensée, un peu "vous voyez ce que je veux dire".
Le lendemain, forcément, un secret s'était comme placé entre nous deux, une connivence mais très légère, très belle, très neuve, qui cachait simplement des mots échangés pendant le week-end, une sympathie délicieuse qui n'aboutirait à rien, j'imaginais qu'en me voyant ce n'était plus ce regard entièrement présent, dénué d'arrière-pensées qui se posait sur moi, avec ce mail j'avais justement l'impression d'avoir inauguré quelque chose.

fin du cours,
rien ne s'était passé,
et je finissais d'écrire ma phrase au moment où j'ai vu une tache noire apparaître à l'extrémité de ma paupière supérieure : c'était lui qui s'approchait de moi. Je rangeais mes stylos que j'ai tendance à sortir, à débouchonner et à laisser sur la table plutôt qu'à tout de suite ranger.
Je ne me souviens plus fidèlement des paroles alors je préfère utiliser ce que j'appelle le "discours direct approximatif" et qui se caractérise par une absence de guillemets

tiens murielle, j'ai écouté la chanson que vous m'avez envoyé par mail...
ah oui clap your hands say yeah,
oui voilà, et c'était très bien
il a dit que ça lui faisait penser à une chanson d'un album des talking heads, celui avec les avions avec les avions....?
oui vous savez "remain in light"
ah oui, j'adore cette album (arrière-pensée : les avions sont derrière la pochette, c'est vrai)
vous savez la chanson qui fait, il fredonne
aaah, oui, euuuh, Once...Once in a lifetime
voooilà, Once in a lifetime, et la voix du chanteur qui déraille un peu comme celle de...
de David Byrne,
voilà, je trouvais plus son nom, par contre j'ai rien pour écouter le cd
oh
mais ma copine va me trouver une solution
ah d'accord
Augustin parle au prof pendant que je dis à Julie
"attends je veux encore lui dire un truc"

mais monsieur si vous voulez je peux vous envoyer les photos, eeuuh, les musiques par mail
ah ouais je veux bien
ok bah alors je vais faire ça
d'accord bah merci beaucoup, parce qu'en plus par mail je peux les écouter directement, y'a le truc qui s'ouvre,
ok je fais ça
mais surtout que ça vous prenne pas de temps
ah nananan, vous inquiètez pas, de toute façon la compil...(je voulais dire que la compil m'avait pris toute une soirée alors bon, une heure ou deux de plus)
FIN

avec julie on était d'accord sur le fait que j'avais géré, j'étais fière de moi, Julie me connaissant, sachant que ma confiance en moi se réduit à une miette au fond d'un paquet de chips, elle savait ce que ça représentait pour moi de réussir à parler à Monsieur Delmas sans perdre mes moyens. au moment où il me parlait, j'étais là, et c'est ce qui m'a permis de pouvoir à la fois retrouver le titre de la chanson et le nom du chanteur, alors qu'en temps normal ma raideur m'interdit tout genre de réflexion, d'extirper quoique ce soit de ma mémoire. Sur le chemin du retour j'étais toute guillerette et je l'ai laissé sans trop m'inquiéter entre les mains de filles de ma classe, j'avais le sentiment d'avoir fait forte impression et que je pouvais m'en aller sur ça, comme une petite reine, qu'il était à moi (du moins en pensée) jusqu'au lendemain.
Dans le bus qui est idéalement arrivé en même temps que moi, j'ai refait le point sur notre discussion, j'ai cherché avec crainte mais avidité mes erreurs, vient un moment où on est en quête de l'esprit d'escalier, où il ne vient plus à nous mais où l'on s'inquiète du fait qu'il ne soit pas là, pourtant, une fois de plus tout avait été nickel.
je repensais à la façon qu'il avait eu de s'approcher de moi, de commencer son entrée en matière par un simple "tiens, murielle", comme s'il me croisait dans la rue, je reconnaissais là les signes d'une préparation, le genre de préparation à laquelle je procède à chaque fois que je dois lui parler.
et puis je pense vraiment que c'était la première fois qu'il prononçait mon nom, comme ça, avec ce ton qui voulait dire "je te connais, murielle, toi" et qui changeait de beaucoup de la fois où il s'était trompé en m'appelant Muriell-a, et qui m'avait un peu vexée, enfin pas vexée mais je m'étais dit que j'allais avoir du boulot.
après je suis tombée successivement sur cette phrase de Richard Ford et puis sur une carcasse de parapluie pas loin de l'abribus comme on retrouve, à plus petite échelle, des paquets de mouchoirs sur le sol des salles de cours et que je n'hésite même plus à ramasser. L'air était humide comme une salle de bains après une longue douche chaude, mes cheveux commençaient à s'électriser et il restait du riz et des yaourts au chocolat dans le frigo.
Je me suis dit qu'on pouvait expliquer les choses, et que même, les gens aimaient nous les expliquer sans qu'on leurs en fasse la demande, on peut expliquer ce que j'éprouve pour MD de la façon qui nous arrange (solitude qui s'éternisait, manque d'affection, amour, admiration) mais je préfère vivre mes sentiments librement, sans recul, sans prise de conscience, très bêtement mais très joliment, "Une fois dans une vie", comme dirait l'autre dingue.
à suivre

Talking Heads - Once in a lifetime

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