jeudi 12 juin 2008

aujourd'hui j'ai l'impression d'avoir pris mille fois le bus et mille fois j'ai été débout, écrasée contre les portes coulissantes du fond, devant descendre pour pouvoir laisser sortir les gens , c'était tellement inconfortable, je tapais tout le monde avec mon sac, j'écrasais des pieds, je me sentais jugée, jugée et épiée par les gens qui n'avaient pas de livre entre les mains. et au début, le cake dans le sac Gap, il était long comme une arme, les gens avaient dû s'inquiéter mais j'ai une tête inoffensive alors ça va.
j'ai dû le prendre une première fois pour l'aller puis pour le retour puis pour retourner au lycée pour le conseil de classe et ensuite pour retourner chez moi.
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je me suis souvenue, quand j'ai vu le gâteau d'augustin je me suis pas tout de suite moquée de son aspect un peu détruit, je lui ai d'abord dit très sincèrement "il a l'air bon ton gâteau" et il m'a remercié, ensuite il a ajouté "t'en parleras sur ton blog". je crois qu'il parlait de la fête en général plutôt que de son gâteau, c'est pas impossible que j'ai pu ajouter entre le "merci" et le "t'en parleras sur ton blog" quelque chose comme "on va bien s'amuser". sa réplique paraîtrait alors plus logique.
son "t'en parleras sur ton blog" ne voulait pas dire "je lis ce que t'écris, j'ai lu ce que t'as écrit sur moi", on sentait qu'il n'avait pas lu ce que j'ai pu dire de méchant ou de gentil sur lui, c'était presque comme une demande "t'en parleras sur ton blog s'il te plait", pour voir comment j'avais perçu une chose qu'il avait vécu en même temps que moi, cette "fête" et l'émotion qui pourrait y avoir.
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comme prévu dimanche j'ai diner avec Cécilia, il y avait Marie et Charlette aussi, comme toujours on s'était donné rendez-vous au métro Pont de Neuilly puis on est allé ensemble au Indiana café des Ternes, je connais pas beaucoup de restaurant dans paris, je vais pas souvent au restaurant et quand j'y vais avec la Bande des Meufs on choisit entre la dizaine de restaurant qu'il y a au Dôme.
le Indiana c'est là où ma mère Christiane nous emmène quand elle prend un ou deux jours de congé pendant nos vacances scolaires. on prend le métro, on va au restaurant, souvent à Opéra, après on va soit au Printemps soit à la Fnac, on fait passer l'après-midi, si on peut on achète des trucs.
c'était pas prévu qu'on parle de ça mais la dernière fois remonte à très longtemps, c'était cette même fois où ma mère marchait tellement vite qu'on l'a complètement perdue de vue et on était passé devant un café et à travers la baie vitrée on avait reconnu Louis Garrel. ma soeur et moi avions eu le même mouvement de ralentissement, quelque chose de très spontané que Louis Garrel avait dû remarquer, deux petites nanas sur le trottoir qui ralentissent par surprise.

c'était la deuxième bonne chose de la journée, un peu plus tôt je venais de recevoir dans ma boîte au lettre le coffret dvd Berlin Alexanderplatz de Fassbinder que j'avais gagné avec technikart, j'avais admiré les six disques brillants et lu les livrets en attendant mon plat chez Pizza Hut, c'est emile qui avait décidé de l'endroit, les grands pouvaient s'accomoder de n'importe quoi alors que pour Emile, tout ce qui n'était pas son choix était intolérable, on était obligé de l'écouter, de manger des pizzas et des pains à l'ail.
à l'époque manger là-bas pouvait s'apparenter à une sorte de fête, de petit évènement familial mais ce jour-ci je faisais la tête, je me plaignais de tout, je supportais difficilement les chaînes de restaurant façon buffalo ou hipopotamus. avec le temps on s'embourgeoise, après avoir fait la distinction entre le bien et le mal on fait celle entre le in et le out, le coul et le ringard de façon assez stupide. après le restaurant on était parti au Printemps pour m'acheter une écharpe noire mais toutes celles qu'on trouvait étaient moches et chères alors on s'était rabattu sur le H&M Haussmann où pour 10 euros on avait trouvé quelque chose de très convenable qui m'a fait tout l'hiver.
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je suis allée sur le site du Indiana café pour trouver l'adresse, j'ai regardé la carte, il y avait marqué des trucs drôles dans le genre "le restaurant préféré des parisiens branchés", et aussi qu'on en avait pour son argent.
une fois là-bas j'ai commandé la salade rodeo, charlette une salade avec des tacos je crois, cécilia un plat qu'elle avait trouvé dans la colonne des entrées et Marie une entrée aussi, des beignets de calamars parce qu'elle avait mangé trois bols de Fitness avant de venir.
quand la serveuse m'a apporté ma salade on a failli péter un câble tellement elle était gigantesque, j'ai planté ma fourchette pour vérifier la profondeur de l'assiette qui paraissait sans fond. j'avais peur de ne pas tout finir, je suis une fille qui compte sur les doigts d'une seule main les fois où je n'ai pas fini mon assiette.
en maternelle il y avait toujours ce concours du premier qui finirait entièrement son assiette, finir dans le sens saucer avec des bouts de pain jusqu'à ce qu'on ne puisse plus faire la différence entre son assiette et une assiette propre. plus de sauce, plus de miettes, rien. après il fallait appeler la surveillante, elle prenait notre assiette, interpellait toute la cantine et brandissait le chef-d'oeuvre en exemple. pour l'enfant responsable de cet exploit c'était la classe américaine jusqu'au lendemain.

à table j'ai saigné du nez, ça a tâché ma chemise sur plusieurs endroits, Cécilia m'a accompagné aux toilettes, on était affairé à tripoter mon petit nez et une femme me regardait interloquée, puis en a conclut "aah...elle saigne du nez", comme si j'étais malade jusqu'à en être inconsciente et que je pouvais pas comprendre ce qu'elle disait, c'était drôle, on a dit "oui" en souriant.
j'ai dû manger avec ma veste mais ça nous a pas empêché de passer une bonne soirée, on a parlé de plein de choses, j'ai pensé que c'était bien de connaître des personnes avec qui on peut parler et rigoler sans interruption, ça change les idées, ça vide le cerveau. la flemme m'avait envahi à l'idée de me préparer, d'aller au restaurant et de tenir des conversations mais je ne regrettais pas, en général je ne regrettais jamais mes sursauts de sociabilité, à quelques exceptions près, parfois ça pouvait foirer, quelque chose manquait, je n'étais pas à ma place ou je n'étais plus moi. la fête se déroulait sans moi, personne ne me demandait mon avis, j'avais l'impression de ne plus avoir d'individualité.
un beau gosse habillé comme j'aime bien que les garçons s'habillent -jean, veste en jean, t-shirt noir, stan smith- s'est assis seul à côté de nous, il attendait peut-être l'heure d'un rendez-vous et c'était drôle parce qu'à la fin tout son corps finissait par être tourné vers nous à l'exception de son regard comme pour dissimuler tout signe d'intérêt à l'égard de notre conversation. j'avais maintenant l'impression qu'on était cinq à table, qu'il faisait partie de la bande des meufs, parfois il s'accordait même un sourire quand nous riions aux éclats, comme au moment où Cécilia m'a dit "nan mais t'es plate" et que je lui avais répondu pour rigoler "j'm'en fous j'ai lu Proust", j'aimais bien ce genre de blagues, j'aimais bien quand j'étais comme ça, peut-être que la présence de cette homme me forçait à avoir de la répartie, à ne pas m'affaisser dans une conversation tiède et facile, je devais faire mes preuves pour les beaux yeux du mec en bleu.
on est parti avant lui, c'était moins frustrant, la serveuse nous appelait "les filles", "merci les filles".

personne ne voulait rentrer chez soi alors on a marché jusqu'à Neuilly, jusqu'au bus, on était contente du restaurant, de ce qu'on avait mangé, de l'ambiance, des prix, des discussions, de ce qui s'était passé, le sang et le mec.
j'avais pensé : ce sont mes amies, mon cercle de bienveillance, le seul que j'ai pu me fabriquer en dehors de celui de ma famille. j'aimerais en avoir plusieurs mais les quelques fois où j'ai essayé de me faire des amitiés durables quelque chose avortait, la personne ne tenait plus à me voir ou alors pas aussi fréquemment que je l'aurai souhaité.
Avec F. c'était parti dans tous les sens, avec R. et sa bande je me suis vite rendue compte que justement, "ce n'était pas ma vie", Angot en parle dans "Rendez-vous", c'est un des passages intéressants.
Et puis avec A. peut-être que je le surestimais, des signes en attestaient. je m'intéresse à lui, j'essaye de savoir ce qui occupe les heures de ses journées et c'est difficile pour moi de savoir parce qu'il ne dit rien, lui n'a même pas cette curiosité-là, sinon il viendrait ici, il trouverait tout et il m'en parlerait, "c'est mignon ce que t'écris sur moi", comme la fois où j'avais posté mon autoportrait sur le forum, il m'avait dit "oh c'était tout mignon", comme s'il s'agissait d'une tentative ratée mais rien que pour la petite allusion à lui ça avait le mérite d'être mignon.

la veille du restaurant je m'étais longuement promené dans Paris, il pleuvait, je portais ma casquette, j'avais vu des familles manger dans des pizzarias, les gens sous les bâches des cafés, des hommes qui fumaient devant des immeubles et des bars, j'avais regardé des chaussures, j'avais aussi acheté un cd et un dvd d'occasion dans deux endroits différents, je faisais n'importe quoi, j'étais tellement déprimée que j'avais décidé de ne plus penser à mon état et de marcher sans jamais m'arrêter.
quelque chose c'était passé un peu plus tôt, j'avais envie de le raconter ici mais y repenser était difficile et je me disais que l'écriture avait ses limites, qu'en temps normal ça me fait aller mieux mais que là ça n'allait pas être le cas alors j'avais fait autre chose, j'avais dépensé de l'argent et j'étais seule. il était tôt, dans les 18 heures et je pensais à A., j'avais tellement envie de lui envoyer un SMS pour lui dire de venir, on aurait dîner ensemble, on aurait discuté de la Chine, de Rohmer, on se serait même livré à un debriefing de la soirée de mes 17 ans, il m'aurait expliqué Kafka, il m'aurait encore dit "tant que tu gagnes pas ta vie tu payes pas l'addition" je serai rentrée à minuit, heureuse, peut-être rechargée pour la semaine.
ça m'amusait de m'imaginer des choses à lui écrire, je trouvais toujours des bonnes façons de solliciter sa présence dans un style vif et pas trop désesperé.
mais comme à chaque fois je m'étais dégonflée, j'avais peur qu'il reçoive le message dans un mauvais moment, au milieu de ses amis ou de son travail, il l'aurait reçu comme un SOS, je lui aurait fait pitié et pour finir il n'aurait pas répondu. c'est pour ça que j'ai toujours attendu que lui me sollicite ou à la limite je lui rappelais que j'existais et il finissait par repenser à des choses qui me concernaient : les livres et les plats qu'il m'avait offert, le beau temps de la première rencontre qui nous rendait émus et joyeux, mes cheveux qu'il aimait bien, ma tresse du premier jour, et peut-être que d'un coup il avait envie de me revoir, juste pour retrouver cette sensation d'agréable, je le sentais plein de gratitude, il m'avait remercié à deux reprises, vers le début et vers la fin, il avait été bien et j'étais dans les parages quand ça s'était produit, ça voulait dire que j'y étais forcément pour quelque chose.

5 commentaires:

ashorlivs a dit…

à tous les coups tu fais partie des miraculées intestinales qui ne grossissent jamais en mangeant tout en forte quantité -> en conséquence le phénomène d'attraction-répulsion exercé par ton blog s'en trouve démultiplié - c'est un un compliment. bon appétit bien sûr.

Murielle Joudet a dit…

détrompe toi, je mange un miel Pops je prends un kilo.

ashorlivs a dit…

tu es magique !...

Pierre a dit…

/!\ ashorlivs = geek amoureux /!\

ashorlivs a dit…

Vi, la magie ça craint :(