samedi 18 avril 2009

Au Mcdo, la vue imprenable sur les personnes qui entrent et qui sortent. Un des serveurs du Reflet entre au Mcdo, celui qu'on a prénommé Maximilien avec les copines. Je suis déçue à l'idée qu'il mange autre chose que les plats préparés par le cuisinier du Reflet. Les serveurs du Reflet n'ont que peu de contact avec lui. Ce dernier dépose les plats sur le comptoir et le serveur les dépose devant les clients. Quand il est l'heure pour le serveur de manger son plat, il s'éxécute un peu à l'écart du comptoir et ce plat qu'il mange est imprégné d'une sorte de souci maternel inhérent à toute cuisine et qui ne s'adresse à personne en particulier. C'est à dire que le cuisinier et le serveur peuvent bien se détester, quand le serveur mange le plat du cuisinier ce souci de l'autre, cette abnégation, ce "tu passes avant moi", subsiste.
J'aimerais que Maximilien vienne s'asseoir pas loin de moi, je sais qu'il me reconnaîtra et alors il verra qu'en dehors de son café ma vie continue; lui même pensera "elle voit bien que je ne suis pas que le café".
Je vois aussi passer le guichetier de la Filmothèque, je ne l'ai jamais vu autrement que tronqué par son guichet légèrement surélevé. Lui il me connaît, il me connaît même deux fois puisqu'il m'a déjà parlé, c'est celui qui nous a dit "je vous inviterai prendre un café parce que vous êtes des fidèles". Il est tout petit et il porte un pull blanc sous une veste.

Cet homme d'une beauté confondante et qui mangeait derrière moi, il devait bien avoir 26 ans et si je me suis assise là c'était pour ne pas qu'il m'échappe/que je lui échappe. En vidant son plateau à la poubelle je l'ai vu dans le reflet de mon écran regarder par dessus mon épaule ce que j'étais en train de faire. J'ai croisé son regard dans l'écran, puis il s'est engouffré dans la ville et par la baie vitrée je l'ai vu se mouvoir dans la rue, hésiter devant le passage clouté, se recoiffer un peu, en somme, faire quelque chose de son corps en sachant que je le fixais. Il s'est retourné, j'ai vite détourné mon regard.

Les effets ravageurs de la fatigue. Chez Gibert avec B. qui en sortant d'un Rohmer m'a vu à travers la baie vitrée du Mcdo St-Michel. Je feuillette les quelques livres sur lesquels j'ai des vues, Pavese, Jean-Philippe Toussaint, Ponge. L'écriture est creuse, indéchiffrable, c'est trop de littérature, trop de noir sur trop de blanc, ça m'ennuie affreusement, l'envie de dire "pour qui se prennent-t-ils ?". Je repars quand même avec le Savon de Ponge.

L'exemplaire en occasion mais dans un état comme neuf du Carnet du voyage en Chine que j'ai caché sous la pile d'exemplaires neufs est toujours là, je le garde en vue de l'offrir à A. mais il m'est encore impossible de faire cet achat, cela voudrait dire que je suis sûre d'aller chez lui et face à cette impertinence, à cette avance que je prends, la malchance ne pourra que vouloir frapper.
Le livre doit tenir caché au moins 2 jours merci de ne pas le toucher.

A 19h40 déjà chez moi, cela va faire plusieurs jours que je n'ai pas été si tôt chez moi, c'est comme si je condescendais à rendre visite à ma famille, sauf que je m'endors.
Cette manière imperturbable qu'à ma soeur de regarder la télé, les clips, Canal +, de s'ennuyer paisiblement de ce bon ennui somnolent sans jamais se rendre compte de la médiocrité de ce qu'elle fait. Ces heures devant la télé alors que dehors il fait jour et qu'on sent depuis le salon les effluves d'énergie d'une capitale rendue accessible grâce aux transports, au train qui n'est qu'à 7 minutes d'ici. Dans ma chambre je souffre énormément de l'ennui en même temps que de la solitude, hier encore Marie était sur Paris et Gabriel était là et j'avais le sentiment d'un emploi du temps chargé où chaque jour serait l'occasion de voir des personnes mais le basculement a eu lieu et je n'ai ni envie de lire, ni d'aller au cinéma et pas assez d'énergie pour mettre de la musique qui aurait eu pour vertu d'alléger une situation pesante, celle d'être au lit à 19h. Aussi je m'endors comme pour mourir quelques heures, j'espère qu'il sera le plus tard possible à mon réveil.
Si seulement j'avais internet j'aurai pu projeter de voir J., travailler à ce qu'il me réponde, seulement il n'a pas de portable et il ne répond pas au mail. Je pense à ces personnes qui par caprice et par ennui ont toujours une liste d'amis interchangeables à appeler et qui sont assurées qu'en les appelant elles auront un rendez-vous pour le lendemain sinon dans l'heure. J'aimerais appeler A., lui dire n'importe quoi mais entamer une conversation qui me ramènerait à sa mémoire, le ferait penser à moi. L'idée me traverse de lui annoncer que pour mardi je peux dormir chez lui mais ce serait trop nul, trop bête, inutile, je vais attendre dimanche soir/lundi en journée. Je dois lui laisser le temps du week-end et me calmer, accepter l'esseulement. [Hier petite discussion sur les synonymes de "solitude" avec Gabriel, mot que je trouve trop littéraire, trop complaisant, esseulement est mieux]

J'angoisse pour ce samedi qui arrive, je n'ai rien de prévu, je ne peux compter sur la présence de personne et si je ne fais rien je pense que je vais mourir. Je compte travailler la matinée puis sortir assez tôt et aller à une exposition, Jeu de Paume sûrement, enfin j'irai faire ma session internet et je proposerai à Cécilia un cinéma, nous irons peut-être au Reflet au manger un dessert au Lutèce. Je me promènerai, je verrais des gens, j'espère qu'il fera soleil et que ça fera sentir bon la ville, je sortirai mes lunettes de soleil. Je rentrerai rassasiée de ma propre vie.

Je me lève à 23h pile, j'aimerais comprendre qu'elle est cette force occulte qui me fait toujours me lever à des horaires bien arrêtées et sans l'aide de réveil. 8h, 10h, 12h.
J'avale sans réel plaisir une boîte de petits pois carottes, ma mère a fait les courses et je ne veux même pas imaginer tout ce qu'elle a pu acheter de bon et de gras, je préfère suivre le chemin le plus court vers la satiété, c'est à dire cette boîte de converse et ne rien m'autoriser d'autre.

Un je ne sais quoi fait du journal intime le genre littéraire le plus malléable, le plus intéréssant même. Cette écriture fragmentée qui nous fait passer du coq à l'âne répond à notre désir de divertissement : même devant le roman que nous aimons le plus nous souhaitons en être diverti, passer à autre chose. L'austérité, le sérieux et l'isolement que suppose la lecture et qui est (j'imagine) la principale cause de répulsion des personnes n'aimant pas lire. Le journal intime, par cette sorte de légèreté, d'inconstance et d'extra-subjectivité assumée répond à ceci, ainsi qu'à notre penchant pour une forme respectable de voyeurisme.
J'ignore si je dois me lancer dans une période où je ne lirai qu'exclusivement des journaux intimes.

Hervé Guibert me fait penser à A., j'aimerais trouver le temps de lui en parler et j'aimerais que ça l'intéresse. Il doit le connaître mais il est peu probable qu'il est lu le Mausolée des amants. J'aimerais qu'il me demande de lui en lire des passages. Ensuite il me jouera du piano.
Le trop fort et trop sincère désir d'aller chez A., de tout bien regarder, de tout comprendre, de passer d'une terre inconnue à un endroit qui au fil des heures me paraîtra familier. D'abord sentir sur mes épaules tout le poids, toute la pression d'un appartement dans lequel se déroule sa vie, sa conscience, les étapes de sa solitude ainsi que quelques unes de ses activités-habitudes qui venant de lui m'intéressent, où boit-il son café ? Etre émue à l'idée que tout ce qui s'y trouve soit le fruit de sa volonté, non pas d'un désir de décorer mais plutôt d'agencer. Décorer c'est soumettre les objets à une fonction qu'ils n'ont pas, et donc produire de l'inutile alors qu'agencer ce serait vivre entouré de ce qui pénètre chez nous sans crier gare, sans que l'on est eu a caculer, et voir comment on peut organiser la cohabitation de cet ensemble hétéroclite par une bibliothèque ici, un bureau là; laisser faire le hasard.

L'impression que je pourrais écrire un court récit sur A.

Insupportable attente que le jour se lève, que je puisse sortir, que les transports reprennent leur respectable fonction, que les cafés rouvrent et que des gens seuls mais gais peuplent les terrasses. Les cinémas, les parcs, les restaurants, les magasins; de chaussures, de vêtements, de biens culturels, de cuisine, et les gens qui achètent de la seule façon qui soit permise en week-end : par caprice plus que par nécessité. Le souvenir un peu fou qu'il m'arrive souvent de devoir faire passer plusieurs métros bondés avant de pouvoir en prendre un; l'envie de revivre ça. Et toujours l'idée éclatante que malgré l'agitation, malgré l'action, on se tient toujours à la surface des choses, que l'on ne fait que frôler les existences, que les choses sont encore mieux que ce qu'on voit déjà.
L'idée novatrice que le jour soit supérieur à la nuit.

L'agréable contraste de se maquiller à la lumière d'un ciel blanc et aveugle, ma joue grise et aux pores irréguliers que je grime d'un blush excentrique.

J'ai de la sympathie pour cette parka, pour ces poches larges et robustes qui peuvent abriter le plus gros des livres de poche, ma carte Imagine-R, mon peigne, et cette capuche légère qui me protège des pluies imprévisibles.

Dans le train, une fille en face de moi à son copain : "j'ai rangé tout mes cols roulés"

Chez le bouquiniste Silly Melody, je me suis souvenue avoir eu entre les mains le Mausolée des amants en version nrf, légèrement abîmé, un bel objet. Un bel objet que j'aimerais retrouver et offrir à A., mais je ne le retrouve plus.

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