samedi 22 novembre 2008


J'ai l'impression d'avoir vécu cette semaine comme un immense rubicube, avec rien à sa place et tout qui se mélange, sommeil, travail, repas. La fin de la semaine s'est annoncée avec un dernier sourire de Monsieur Delmas s'embrouillant dans ses schémas et l'incroyable nouvelle qu'il allait nous accompagner au Louvre dans deux semaines avec notre professeur de philo. J'avais prévu plusieurs choses pour le week-end : vendredi soir rassemblement technikart, samedi soir cinéma avec D., ça faisait déjà beaucoup pour une jeune fille qui a l'impression d'avoir passé sa semaine près de sa trousse, de ses cahiers, de ses sandwichs et de ses rêves de siestes d'après-midi. La vie de lycéen à ceci d'étonnant que depuis toujours elle ne subit que de rares modifications et les principes sont les mêmes : réviser, remplir des copies doubles en collaboration avec sa mémoire et ses connaissances, se plaindre du manque de sommeil, les transports en commun.
Cette fois-ci il fallait sortir de chez soi avec autre chose qu'un sac à dos et ne plus rien apprendre mais tout improviser, et se vendre, et séduire, et faire rire, et rire, et plaisanter, et discuter, et argumenter sur autre chose que sur "le personnage de Mercutio" ou "les lieux dans les deux premières parties du Guépard".
Si Monsieur Delmas reste en semaine mon amour incontesté T. pourrait être le mec de mes week-end. Tout bien enfermé dans sa petite chemise au motif vichy très serré et ses cheveux longs qui semblaient pousser malgré lui, il ressemblait à un chanteur de groupe pop indé. C'est marrant, chez les filles on sent qu'elles consentent à laisser pousser leurs cheveux et qu'elles sont responsables de leur longueur, avec les garçons c'est autre chose, et dans une main qui traverse la chevelure ils vous annoncent que "ouais, j'dois les couper". Je lui ai dit "tu fais 17 ans dans ta chemise" et cet explicite et effrayant rapprochement d'avec mon âge a fait dire à P. que je devais me calmer. Si lui faisait 17 ans de mon côté j'ai eu droit à "ouais, avec ta marinière et ton caban, Christophe Honoré", j'ai trouvé ça plutôt gentil même si dans sa bouche ça voulait dire que j'étais conforme à mon image de petite minette. Un conseil qui ne cesse de me traverser à chaque rendez-vous : quand on ne voit pas assez les gens il faut toujours bien s'habiller car vos tenues vous résument, alors que quand vous êtes au lycée vous pouvez vous permettre des jours de relâchements, les gens de votre classe savent ce que vous valez, vestimentairement ils sont les seuls à vous connaître, et on ne peut pas être 200 fois bien habillé, mais on peut l'être une dizaine de fois. Nous étions 12 dans un bar à Bastille, nous mangions des frites et les gens commandaient de manière insouciante des bières pour remplacer les vides placées devant eux, je sentais que l'addition allait être foudroyante et elle l'a été, j'avais prévenu P., "on commande, on commande, on fait pas attention, on est euphorique et puis BAM à la fin...". Lui il avait sa théorie sur les frites, "ouais les frites du Mcdo c'est pour les jeunes mais quand elles sont bonnes elles sont pour les adultes". Quand je suis en soirée avec mes amis de technikart et même quand je vais en soirée il y a toujours de bonnes théories sur pas grand chose qui apparaissent sur un cas particulier qui devient alors généralité, j'essaye de les retenir parce que je peux pas toujours sortir mon carnet au milieu des personnes, au milieu d'une discussion et que je me force à jouer le jeu d'une soirée vécue "normalement", c'est à dire sans prise de notes. Je me souviens de ces deux-là, les frites et l'addition, je me souviens aussi de F. qui me rapportait une théorie sur les blancs dans les conversations, je me souviens aussi de sa très belle image : elle voulait partir à l'étranger mais ça voulait dire laisser derrière elle beaucoup de choses et c'était comme si elle sentait les racines d'un arbre s'entêter à s'accrocher, elle a fait le geste : les doigts d'une main qui essaye de s'extirper de la prise des doigts de l'autre avec le bruit d'un crissement, je m'en souviendrai toujours, ça faisait plus d'un an que je l'avais pas vu et je sais que son visage délavé et sa gentillesse facilement repérable auront largement marqués ma soirée.
Tout le monde était particulièrement beau, l'hiver a le don d'enrichir et d'illuminer considérablement les look et les visages des gens : cols roulés, gros pulls torsadés, chemises, écharpes, châles, pashminas, bonnets, doudounes, cabans, parkas, et même costume en laine et cravate pour B. qui venait de sortir de son travail. Qu'est-ce qui caractérise la bande et pourquoi je l'aime tant ? C'est pour cette vision d'ensemble où rien ne concorde, où personne ne va avec personne, où le "nous" n'existe pas et où chacun se distingue, rien ne se colle ensemble, tout le monde est impeccable dans son rôle, chacun semble fidèle à ce qu'il est vraiment, fidèle à ses désirs, j'ai de la chance de les avoir connus si tôt et de ne même plus avoir cette constante pression sur mes épaules qui caractérisait nos premiers rassemblements. Suis-je bien. Ai-je dis des bêtises. Et ma coiffure. Tout ça n'existe plus et dorénavant tout me passe dessus avec sérénité, j'ai l'impression de lentement me calquer sur leurs comportements, d'assimiler leurs influences, ils sont posés, je le deviens, et le recul qui nous traverse après avoir agit se fait cette fois-ci en même temps que l'action. Dans ces conditions la fête n'est plus possible, dans ces conditions je ne peux pas faire la fête et c'est pour ça que ces réunions me suffisent : l'amusement ne se mesure pas à la capacité à pouvoir se tenir le plus possible hors de soi, à la capacité à "faire le fou". La fête, solide, stable, non décevante, c'est les rencontres et j'aimerais pouvoir rendre mon texte aussi chaleureux, aussi chargé en énergie que le petit groupe que nous formions. Les rencontres ont toujours été le terrain de tout les bouleversements et il me suffit de prendre pour exemple ma rencontre avec A., de tous mes souvenirs celui-ci me laisse le meilleur goût en bouche, mais ce soir A. n'était pas là, ni lui ni ses looongs cheveux noirs mieux entretenus que les miens et ses 2 mètres...mais mes souvenirs fabulent, il n 'a jamais fait 2 mètres.
Vers 23 heures nous sommes allés au Mcdo de Bastille et B. dans son costume a viré des jeunes de mon âge à coup de "allez les techtoniciens, on va en boîte maintenant", ce qui lui a valu les regards foudroyants de la bande qui tentait de se défendre à coup de glaçant "j'peux prendre mon sac au moins?", "c'est gentil de nous laisser partir hein". De toute la bande B. est de loin le plus fidèle à son moi virtuel, d'ailleurs il me l'a dit "sur le forum, comme dans la vie privée et professionnelle je suis le même". Vers minuit, après les Big Mac, les frites, les cigarettes, les bières, les coca lights et les mojitos nous buvions les dernières canettes de l'amitié le vendeur de l'épicerie avait apparemment dit "buvez les loin d'ici", il avait du avoir des problèmes, nous étions donc en face du café Bastille. Les canettes nous glaçaient les mains même si on avait l'impression qu'on tenait des chocolats chauds, B². mangeait un nouveau sundae au citron dans son épais manteau beige et son écharpe bleu électrique, s'il fallait être un genre de femmes je crois bien qu'il me faudrait être elle, faire en sorte d'avoir cette voix de vase cassé qui me parle de mode comme d'une drogue futile. T. portait son bonnet, ça nous faisait un point commun, je le connaissais assez pour connaître ce bonnet, j'ai déjà vécu un hiver avec lui, j'ai aussi vécu l'été, je connais quelques unes de ces chemises, j'ai demandé des nouvelles de ses Geox, je lui ai proposé mon aide pour lui trouver de nouvelles baskets, en Springcourt en cuir marron ce mec serait trop classe. A un moment il m'a dit "ma vie est mignonne hein?" c'était précisément ce que je pensais de lui, les raisons pour lesquelles je l'appréciais autant même si j'ai le sentiment qu'en face de moi il ne fait pas vraiment d'efforts et que ce manque de séduction me vexe un peu, je veux dire séduction au sens global, la séduction qui s'installe entre toutes les personnes, vouloir plaire c'est estimer la personne qu'on a en face de nous, produire un effort, et T. ne produit pas d'efforts en face de moi, il sait qu'il m'a à peu de choses près dans la poche de son jean. J'aimerais qu'il me parle plus, et quand nous sommes rentrés ensemble et sa parole a su prendre l'envol que je lui réclamais, des phrases, des opinions, des impressions, mais ça n'a pas duré longtemps. Dans le métro je lui ai demandé "elles sont belles mes bottes hein?" et dans sa réponse j'ai repéré dans son ton qu'il était justement en train de se dire la même chose parce qu'il me voyait les regarder et me tordre les pieds pour les voir dans tous les sens.
Dans le métro ligne 3, je lis La tâche pas loin d'un beau garçon la tête en arrière, loin dans les pensées que lui suggère la musique de son I-pod, quant à moi je ne demande qu'à retourner à mes lectures personnelles, finir La Tâche délaissée il y a des mois.
La voiture qui s'est arrêtée au feu ne s'attendait peut-être pas à ce que quelque passe si tard dans Courbevoie et le passant que j'ai croisé à dû se sentir vexé à l'idée qu'il n'était pas le seul à rentrer tard chez lui, il n'avait qu'à s'y préparer : mes talons en bois m'annoncent longtemps avant qu'on puisse me voir.

Le soir même j'avais reçu mon nouveau sac et ma nouvelle robe noire achetés à -65% sur le site de La Redoute (faites-y un tour les filles, y'a des trucs beaux à pleurer pour moins de 20€) , ma mère était allé chercher le colis avant de m'accompagner métro Pont de Neuilly et j'avais regardé et tripoté la robe et le sac à la lueur de la petite lumière près du rétroviseur, ne distinguant que peu de choses sinon que les deux étaient conformes à leurs moi virtuel, matières, couleurs, dimensions. Ce midi j'ai essayé la robe en descendant mon bas de pyjama en accordéon pour laisser de la place à la robe, ma mère m'a demandé si je comptais la mettre avec mes bottes ou mes ballerines, je pense qu'avec les bottes ça ira mieux, ça galbera la jambe. Je pense la porter le jour de la sortie au Louvre, aller au musée en robe, je trouve que c'est une bonne idée.

Amadou et Mariam - Sabali

12 commentaires:

Anonyme a dit…

cette chanson passe tout le temps sur france inter, j'ai l'impression qu'elle me poursuit depuis quelques jours c'est dingue

Anonyme a dit…

Murielle, ton duffle-coat il vient d'où ? C'est un Cacharel ?

Tu es mon dernier recours, google ne répond plus à mes requêtes désespérées.

Murielle Joudet a dit…

mon duffle-coat c'est un vieux La Redoute presque mort et pas du tout de la bonne matière (tout le monde va croire que je m'habille que de là-bas alors que justement ça se limite à mes bottes et à mon duffle coat, mon nouveau sac et ma nouvelle robe) mais sinon il doit y en avoir chez Gap, enfin j'en ai vu, et il était super classe et y'en avait un tout aussi classe chez h&m, je suis très sérieuse. Sinon va faire un tour chez Cyrillus, Burton ou Somewhere, pour ce genre de boutiques c'est le b-a-ba de l'hiver.

TIENS MOI AU COURANT

(l'envie me prend d'un blog mode)

Anonyme a dit…

murielle c'est la fille qui s'occupe de ses lecteurs comme des enfants: elle leur donne les petites astuces utiles, leur explique tout ce qu'il faut savoir de la vie, et essaye de savoir si tout s'est bien passé



:)

Anonyme a dit…

Cette pub m'a choqué. J'ai eu envie de prendre le marqueur dans ma trousse et d'écrire "on montre pas les gens du doigt, c'est malpoli, crétin", sur les 15 affiches qui se succédaient dans le couloir de la gare. Le fait de nous faire culpabiliser est juste pitoyable.

(oui, je sèche les cours.)

BiFiBi a dit…

Pourtant la culpabilité est une notion importante dans la religion catholique, le fondement-même de cette religion : tu fais quelque chose de mal, attends-toi à pourrir en Enfer. Cette annonce publicitaire est de fait d'autant plus paradoxale que tout est fait pour que la personne regardant l'affiche se sente importante : le "Je crois en toi" le pousse à se prendre, l'espace d'un instant, pour Dieu, le seul, le vrai, il a une poussée d'orgueil, mais il suffit qu'il détourne le regard pour voir d'autres petits dieux poussant comme des mauvaises herbes autour de lui, puis il remarque combien les gosses ont l'aspect typique du tête-à-claques, avec leurs sourires niais, leur coiffure insoutenable pour tout homme moderne et le doigt pointé qui, comme l'a si bien dit Péa, est malpoli, on ne leur a vraiment rien appris à ces orphelins, il faudrait leur donner les moyens d'une éducation convenable, MAIS OUI, je vais leur donner des sous. Ou comment tomber dans le piège.
Notons aussi la typographie du slogan "Je crois en toi", fait en forme de croix (crois/croix, bon sang mais c'est bien sûr), symbole éternel s'il en est, et nous sommes convaincus, faisons revenir en nous l'enfant-Jésus qui sommeille (car, il est bon de le rappeler, Jésus est en chacun de nous, avec son père et le Saint-Esprit), allons aider le Secours Catholique, soyons le secours du Secours Catholique, ma place aux côtés de Yahvé sera assuré.

Je raconte vraiment n'importe quoi ce soir, je ferais mieux de retourner à ma dissertation.

Anonyme a dit…

Je viens aux nouvelles : le duffle-coat GAP n'était pas génial, pas sur moi, par contre j'y ai trouvé une sorte de béret gris top, qui peut couvrir les oreilles et donc tenir chaud, ce qui est quand même ce qu'on lui demande à la base.

Pour le manteau je suis revenue aux valeurs traditionnelles : un caban comptoir des cotonniers, l'idée du duffle-coat était bonne mais elle restera idée. Donc bonne.

Sinon, après avoir rédigé cette phrase, je ferai un tour sur laredoute.

VOILA JE CROIS, fin de la parenthèse mode jusqu'à sa prochaine ouverture.

Anonyme a dit…

Enfin je ne viens pas exactement aux nouvelles puisque j'en donne. Parfois les expressions se mélangent dans ma tête.

Anonyme a dit…

De toutes façons, nous sommes tous d'accord pour dire qu'un caban est mille fois plus hype qu'un duffle coat. Surtout s'il est bleu marine.

Murielle Joudet a dit…

péa son rêve ce serait toutes les filles et tous les mecs en caban avec un casque audio sur la tête à 100€, et puis je sais pas, des desert boots aux pieds peut-être?

Juliette => j'approuve le bonnet et le caban maintenant que je les ai vus...

Anonyme a dit…

Je t'aime Murielle. (Enfin sauf pour les Deserts Boots, je préfere les meufs en talons. ET EN COLLANTS. Et en jupe. Avec un pull Benetton anthracite. HEIN.)

(J-5 avant que je sois compatible avec ta gérontophilie.)

Anonyme a dit…

Rien a faire, le duffle coat est beaucoup plus sex que tous les cabans du monde. Revoyez vos standards, mesdames.