samedi 12 juillet 2008

Jeudi je suis allée voir "The Savage Eye" au mk2 beaubourg, à la caisse j'ai dit à la meuf "une place pour l'Oeil Sauvage s'il vous plait", sur le site le titre était en français, une fois sur place aucune trace d'oeil sauvage mais le titre français m'arrangeait, je déteste mon anglais quand il s'agit de cracher trois mots, la langue n'a pas le temps de prendre ses habitudes, l'accent est alors terrible. la nana m'a gentiment corrigée, "the savage eye?".
Je comprends pas pourquoi certains distributeurs s'obstinent à ne pas traduire des titres de films qui ne perdent rien de leur sens une fois traduits, c'est le cas de "A swedish love story", je le pensais secrètement sans rien en dire à personne jusqu'au jour où un chroniqueur du masque et la plume s'en est lui aussi plaint, disant que c'était "vraiment ridicule". A ce niveau on sent un manque de réflexion et d'intelligence, une méprise de la part des personnes chargées de faire ce choix, surtout quand on sait qu'il s'agit d'un film exhumé des années 60 par le distributeur lui-même, de ces lingots dont les recoins éclatants surgissent de terre et qu'on dépoussière du bout des doigts pour les déposer soigneusement devant les yeux du public. Edward Hopper a dit de ce film : "Si vous voulez connaître l'Amérique, allez voir The Savage Eye", c'est écrit sur l'affiche, on ne pouvait pas trouver mieux comme publicité même si je n'ai vu cette phrase qu'après la projection, en regardant des photos du film sur allociné comme j'aime bien le faire. C'est vrai que sur plein de points ce film s'apparenterait à des peintures d'edward hopper portées à l'écran, cela a en tout cas provoqué en moi le même apaisement qui se produit à la vue de l'un de ses tableaux, ces solitudes prises sur le vif et que seul l'artiste arrivent à surprendre, à piéger, comme s'il fallait faire preuve d'une clarté d'esprit, d'une lucidité torturante (cet oeil sauvage) pour pouvoir percevoir les formes de solitude les mieux cachées, de la vendeuse du Printemps qui fume sa cigarette dehors, frigorifiée et pensive en passant par le batteur d'un groupe reclus au fond de la scène.
J'ai toujours aimé les romans, les tableaux, les chansons et les films qui voulaient et arrivaient à véhiculer précisément ce message : "nous sommes seuls". Nous sommes seuls, nous vieillissons, nous passons à côté de quelque chose mais ce n'est pas de notre faute, c'est à cause de notre société. c'est à peu de choses près le propos du film même s'il n'y a pas que ça, c'est aussi les leitmotivs de l'écriture de houellebecq et c'est pour cette raison que j'aime autant cet écrivain, presque trop, et que je lui ai toujours accordé plus des 3/4 de mon coeur littéraire.
De ces films et de cette littérature qui nous assaillent avec pour seuls outils notre propre solitude et le gâchis maladif de toute une époque pourtant en paix, il faut justement que la magie opère sous la forme d'une prise de conscience qui est toujours la même mais nous fait toujours l'effet d'une révélation bouleversante - d'une première fois, il faut qu'en jaillisse la beauté, plus exactement une "émouvante antibeauté" pour reprendre coupland. C'est pour cela que le club med, les boîtes de nuits et les supermarchés, de par leur extrême contraste avec les nobles sentiments que sont la solitude et la tristesse, le manque et le besoin de présence humaine, se retrouvent être les nouveaux terrains d'épanouissement de la poésie à défaut d'être ceux de notre propre épanouissement.
La solitude américaine -s'il y en a une- est certainement l'une des plus belles car l'une des plus injustifiées et donc des plus intenses, comment et pourquoi être malheureux là où les valeurs (l'hédonisme, l'abondance, la religion) érigées en preuves de bonheur satisfait sont multipliés par 100 et à portée de tout un chacun ?
Ce film c'est un peu ça, le refus d'une duperie qui se solde d'une souffrance constante et assumée. Cette femme divorcée qui erre dans los angeles et dialogue avec son double masculin et rassurant c'était moi. j'ai toujours tendance à croire que la solitude est un fardeau anormal et honteux à portée, comme une maladie, et qu'il faut la vivre si possible sur la pointe des pieds, n'embêter personne avec, elle demeure notre seule "compagnie".

3 commentaires:

Pierre a dit…

Tout ca est tres vrai, et tres bien dit.

Anonyme a dit…

va voir La soledad de Jaime Rosales!

Murielle Joudet a dit…

justement je voulais le voir mais je l'ai raté, je vais essayer de trouver la dernière salle dans paris qui daigne encore le diffuser.
cimer