dimanche 12 octobre 2008



Il ne faut jamais s'endormir le vendredi soir sans être informé de ce qu'on fera le lendemain.
Je ne parle pas d'un "oh peut-être un cinéma", pas de peut-être, il faut du sûr, du lourd, sinon le lendemain on se risque à sombrer dans l'énervement et la tristesse.

Le vendredi soir je suis d'humeur à organiser des choses pour la veille avec les copines, ensuite c'est trop tard. Après être allé voir l'horrible Frontière de l'aube il était prévu de façon très floue qu'on aille voir demain Appaloosa avec Marie, même si au fond de moi j'étais surtout persuadée que j'allais passer ce samedi seule, que j'en avais même envie.

En rentrant du cinéma mes chaussettes sentaient le cuir de mes bottes, je me suis lavée les pieds, les dents, le visage, je me suis enfermée dans mon lit et j'ai regardé le Café littéraire spécial Ennemis Publics. J'ai aimé le livre, enfin principalement les lettres de Michel, mais voir tout ce petit monde chahuter depuis 3 mois autour me conforte dans l'idée que je ne dois pas émettre de critique, je n'aime pas obéir. Je pense aussi que d'une certaine manière on a pas vraiment d'opinion claire sur un livre ou un film avant d'en avoir rédigé une critique. Le plus souvent dans notre tête ça se limite à "bien/pas bien", et puis au moment de la rédaction les choses se précisent et se nuancent, les arguments apparaissent.
Après je me dis que bon, il suffit de s'éloigner du buzz pour ne pas en ressentir les effets, pour certains l'évènement du mois peut être tout autre chose, c'est selon les points de vue, j'en ai bien conscience. Reste que cette histoire va tellement loin que cet amour de Monsieur Delmas nous a lu la première lettre d'Ennemis Publics en cours, d'un côté on peut se dire que ça va loin, de l'autre que cette homme est donc bien pour moi. Il considère Houellebecq comme le meilleur écrivain français contemporain, j'ai failli en faire tomber ma trousse.

Vendredi je suis partie de son cours le ventre vide, avec pas du tout l'envie de commencer le week-end de cette manière là, en sortant de la classe plein de filles étaient autour de lui, je ne sais pas ce qu'elles lui demandaient mais je n'aime pas le sentir occupé par quelque chose, ensuite je ne l'avais même pas vu sortir fumer sa cigarette, pourtant j'essaye toujours d'arranger ma cadence et celles de mes copines de façon à ce que je quitte le lycée en l'ayant vu dans sa petite veste noire, tourné vers la sortie. Je lui jette un bref regard qui ne monte pas plus haut que le torse tellement je suis timide, et je m'en vais chez moi, j'ai l'impression de l'abandonner un peu ou qu'il m'abandonne.
De toute façon le vendredi après-midi tout le monde disparaît jusqu'au lundi. On a ces deux jours pour soi et parfois le lundi en voyant les petits lycéens discuter et me barrer le passage dans l'escalier je me demande ce qu'ils ont pu bien faire, je les imagine dans leur lit avec leur bol de céréales, sortir un peu, parler à leur mère et finalement je les aime bien, ils sont humains et je ne les connais pas, c'est quand ils sont rassemblés en meute autour du lycée avec ce geste du bras tendu en arrière pour éloigner la fumée de cigarette qu'ils m'effraient un peu, que je les sens plus forts que moi.

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J'ai mes rituels,
le samedi par exemple je sais que je dois regarder "la mode la mode la mode" et le dimanche je sais que je dois écouter avant 20h le podcast du masque et la plume de la semaine dernière sinon il s'efface pour faire place au nouveau. Je n'écoute jamais l'émission au moment de sa diffusion, avec le podcast on a le droit de choisir le moment où l'on a envie d'écouter une émission et ne pas s'arranger en fonction de l'heure de sa diffusion, je trouve qu'il faut en profiter, tout ces petits nouveaux progrès qui sortent prévisiblement du ventre d'internet sont vraiment sympas.

J'ai passé un samedi assez affreux, dans le bus et dans le métro j'arrêtais pas de me répéter "t'aurais pas dû sortir, c'était pas obligé, vraiment pas..." et je n'avais rien de prévu à l'avance et je n'avais aucune envie qui dominait les autres. Ca me rappelait ces week-end de sévère tristesse debout devant mon bureau, incapable de décider d'une chose à faire, d'une chose à désirer, de samedi en samedi je retrouve le goût de ces week-end là qui font peur, je sais qu'une fois en janvier plus rien ne sera bien.
J'avais préféré la semaine avec ses petites joies et ses fatigues, par exemple j'ai été élue déléguée sans m'être présentée, voici une chose importante à raconter.
Je crois que c'est Augustin qui a lancé l'idée, il disait "votez pour Murielle, votez pour Murielle" en me souriant, toutes mes copines ont voté pour moi et puis au deuxième tour, en voyant le nombre de traits s'accumuler en face de mon prénom j'étais apeurée, je dévisageais mes copines et le prof, c'était une trahison à l'envers, une caresse dans le dos.
Même si je me sentais très gênée vis à vis des gens qui s'étaient eux présentés, j'ai pris goût au jeu et au deuxième tour j'ai voté pour moi, j'avais assez honte de cet acte et finalement j'ai été élue avec Lucia.
Je disais à Julie que vraiment ça me touchait trop d'être élue comme ça, que ça me donnait envie de pleurer, que c'était trop gentil. Ca ne voulait sûrement rien dire de particulier, sûrement pas "on t'aime Murielle", et puis c'était surtout mes copines qui avaient fait la différence, mais quand même je trouvais que c'était une surprise belle et rigolote, surtout que j'avais hésité à me présenter, pas sur le moment mais plutôt en début d'année. L'année dernière j'avais vraiment voulu faire des choses pour la classe, le blog, les sorties, les cadeaux de Noël, les repas chez moi, puis ça s'est arrêté parce que plus personne ne suivait en dehors de mes copines et que les lycéens ont prévisiblement une attitude de lycéen. Cette année je vais juste continuer les sorties au Palais de Tokyo et puis les cadeaux de Noël.

Ce qui me gênait en tant que déléguée c'est qu'aux conseils de classe les professeurs restent réservés sur ton cas, on évite les compliments, il n'y a pas cette image rétrospective de toutes tes bonnes actions projetée au fond de leurs cerveaux, tu es là et ils te jugent en direct, ils n'ont pas envie de te faire plaisir et au final tu ne sauras jamais ce qu'ils pensent de toi.
Et puis je me dis que trois fois dans l'année ça me permettra de me rapprocher de Monsieur Delmas, il y a d'abord l'attente devant la salle de réunion où des paroles peuvent être échangées, et puis dans la salle je pourrais me mettre à côté de lui où simplement le regarder.

Bref la semaine est belle, fatigante, pleine de contraintes et de contrariétés mais au moins on se sent bien dans la vie, intégré dans une histoire, et j'aime le matin quand mes copines aux regards aussi fatigués qu'amicaux marchent vers moi en faisant claquer leurs talons, parfois entre les mains elles ont un journal gratuit, rarement le même. A la sortie du métro Pont de Neuilly il y a l'un à côté de l'autre un mec qui distribue Métro en k-way jaune et casquette verte et un autre de Direct Matin habillé en rouge, c'est drôle parce qu'ils parlent entre eux alors qu'on aurait tendance à penser que c'est la concurrence. "On a pas le même maillot mais on a la même passion".

Pour les filles Marianne Faithfull - As tears go by
Pour les garçons Scott Walker - Copenhagen

deux chansons, même décennie, presque même durée, même thème, belles à en chialer sur le sort des arbres.