mardi 7 octobre 2008

"on sait qu'expliquer le monde c'est simplement le décrire" Michel Houellebecq

X. était en train de manger des raviolis aux crevettes dans une petite assiette, il se plaignait de la sauce trop piquante et le long de ses cuisses aux genoux légèrement surélevés pour faire transat, le fruit de son corps, son petit bébé qui se tenait là, vraiment tout petit, assez petit pour tenir sur son giron. L'image est émouvante, presque irréelle et cela lui ajoute quelque chose, une importance, du charme ou de la tendresse, je ne sais pas très bien, je commence à bien l'aimer. Au fur et à mesure de nos rencontres l'image que j'ai de lui commence à se compléter mais elle reste quand même, j'imagine, assez fausse et lacunaire, je suis la personne qui le connaît le moins et je commence à ne plus trop trouver de nouveaux éléments, qui dépasseraient la surface des choses.
Chez lui ça n'a pas changé, le salon est toujours le même, il y a un nouveau tableau d'Andrew Wyeth (j'ai dû ressortir un livre de peinture pour me souvenir du nom du mec, j'aime bien ce tableau), "Le monde de Christine", vraiment un tableau qui rend bien en affiche, sa vue est douce.
P. était là, je suis venue avec lui, il m'avait donné rendez-vous à 19h15 chez lui vers Bastille, me laissant son adresse sur un message dans mon répondeur que j'ai dû écouter 3 fois avant de retenir. Son appartement était trop beau, la bibliothèque imposante, je lui avais apporté des DVD. J'appréhendais la rencontre avec sa copine qui me connaissait un peu, il allait falloir être à la hauteur d'une image. Elle n'était pas encore là, elle est venue un peu après, elle m'avait achetée du Coca, c'est la deuxième fois qu'une copine d'un ami pense à m'acheter du Coca light, c'est vraiment trop mignon et je remarque que de plus en plus, des objets me représentent, c'est comme X. qui me charrie avec mes Carambar, mon Coca Light, mon blog et mon Monsieur Delmas, je lui évoque ça, un peu caricaturalement.
Elle est venue accompagnée d'un ami, une des premières choses qu'elle m'ait dite a été "t'as vraiment 17 ans" puis elle m'a félicité pour ma dissert de philo, P. m'avait aidé à l'organiser, là vous allez croire que je triche mais ce n'est pas ça, je n'aurai pas supporté de tricher mais j'essaye d'être sincère avec vous. Leur ami commun fait une thèse en économie sur la Chine, il portait un pull parme, on a parlé de Houellebecq et de Coupland et il s'est moqué de ce que j'appelais "mes siestes de 4 heures", A un moment je me suis sentie fléchir, un peu en danger, j'étais sollicitée de partout, des personnes étaient en train de se faire une opinion de moi, elle essayait peut-être de retrouver en moi ce qu'elle s'était imaginé, c'était dur de ne pas dire une connerie, de ne plus trouver ses mots comme quand la prof de français m'interrogeait l'année dernière et que je perdais tout mes moyens. Tout le monde était gentil, tout le monde était bienveillant et j'ai juste eu du mal à retrouver mes repères de fille qui parle, de fille qui doit émettre des opinions.

J'aime bien faire le trajet en bus avec P., on s'amuse bien et j'ai la discussion facile avec lui, j'ai l'impression qu'il est intéressé par ce que je dis, même qu'à un moment il m'a stoppé pour me dire "je pourrais te filmer en train de dire ça?", je parlais de ma difficulté à écrire sur mes failles et mes échecs , je lui disais, en gros : j'essaye vraiment mais j'évite alors de me relire et certaines phrases n'auraient pu ne pas exister, qu'elles sont douloureuses à écrire et qu'on se force, j'aurai pu les effacer, ça ne dépend que de peu de choses. J'ai un pouvoir total sur ce que je véhicule et j'essaye de ne pas trop en abuser, je parlais des gens qui ne pensais même pas à ça, à essayer de dire la vérité. J'essaye de rendre compatible mon désir d'être aimé et ce désir de vérité.
Finalement je pense beaucoup trop aux lecteurs, à chacun d'entre eux, à ceux que je connais et à ce qui pourrait leur plaire.
J'avais le cou et les cheveux coincés dans mon châle du moment, beige avec des motifs genre bandana multicolore, celui que tout le monde m'envie, enfin nan, mais disons que Lucia est venue vers moi en intercours en me disant "il est trop trop trop beau ton châle", ça arrive souvent qu'elle me demande où j'achète mes fringues et à chaque fois je lui réponds des trucs moisis du genre "H&M" et elle n'en revient pas. Ouais si je pouvais j'irai voir du côté de chez Isabel Marant, ça c'est sûr ma cocotte.

Une fois arrivé chez X. les mêmes gestes se répétaient, je me regarde dans le miroir pour m'arranger la tête, P. ricane, je lui dis "je reste une fille" et on se serre dans l'ascenseur. Tout est à peu près pareil sauf que la saison a changé, que la vie est passée de cette façon à la fois insensible, anonyme, calme et bouleversante; un bébé qui naît, une rentrée scolaire, un appartement qu'on essaye de vendre.
J'étais soulagée à l'idée qu'on n'aille pas au restaurant comme la dernière fois, P. avait acheté avant de venir du chorizo et des trucs comme ça, qui se mange avec les doigts, je ne voulais pas aller au restaurant parce que je n'avais pas d'argent, je n'ai pas trop d'argent en ce moment et je n'en demande jamais à mes parents, surtout pas à mon père, je veux dépendre le moins possible de lui pour pouvoir continuer à lui reprocher des choses. J'ai juste demandé à ma mère une avance pour "Ennemis Publics" et hier dans la salle de bains elle se maquillait ou se démaquillait, je ne sais plus, mais elle m'a dit "nan, c'est bon, je te l'offre".

D'abord il y a eu la musique de Gérard Manset puis très vite il a été question de me faire plaisir avec Love, les Smiths, les Doors et les Talking Heads. Love c'était mes siestes à 13 ans, quand ma mère me réveillait pour me dire d'aller chercher mon frère au centre aéré. J'avais acheté l'album en même temps que celui de Nick Drake. Five Leaves Left, définitivement pour l'automne.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

En parlant d'opinion, tu réagis comment à la collaboration Houellebecq/BHL ? Tu romps ?

Anonyme a dit…

on se sert ou on se serre? les lapsus sont au programme?

Murielle Joudet a dit…

Très Chère Juliette,

J'ai bientôt fini le livre et sans vouloir faire chier personne je le trouve assez bien foutu avec une énorme préférence pour les lettres houellebecquiennes qui sont extrêmement touchantes et poétiques.
BHL je n'ai rien lu de lui et je n'ai en tête que son image médiatique, ses lettres sont un peu chiantes, alternants histoire de la philo et histoire du judaïsme, il ne fait que reprendre Houellebecq, c'est assez irritant, et puis parfois, quand il arrête un peu son exaspérant gloubiboulga de name-dropping d'intellectuel engagé (mon dieu qu'il en parle...) il arrive à nous pondre deux trois bonnes choses.

Ce que Houellebecq ne mérite pas c'est toute cette course médiatique qu'on a dû lui imposer : enchaîner les plateaux télé et radio, faire du bruit, lui qui je pense aurait préféré ne pas sortir de son Irlande. Quant à BHL il était temps qu'il vienne refaire un "petit tour de télé" comme les enfants de manége.

Et puis moi de toute façon, je dis bêtement "oui" à tout ce que fait Michel.

Anonyme a dit…

Haha oui, ce cher Michel, ce vieux pote.

Anonyme a dit…

"Et puis moi de toute façon, je dis bêtement "oui" à tout ce que fait Michel."

dans ce cas, il faut t'inscire au club des amis de mh :

www.houellebecq.info

bon courage !

Anonyme a dit…

Ahah, soirée des amis de MH : http://www.houellebecq.info/photos/19r_soireetheatre14janvier2006.JPG

La grande classe.


Non enfin je ris bêtement mais ton amour est honorable, il faut le souligner. Et, au pire, on peut voir le rapprochement vers BHL comme un acte social ou comme un bras d'honneur au monde médiatique. Quel rebelle ce Michel.