lundi 22 septembre 2008




l'ordinateur portable combiné à la wifi fait qu'à chaque fois qu'on a envie de dire quelque chose, d'émettre une opinion, une pensée, un sentiment ou une information, on peut se débrouiller pour trouver un endroit où le communiquer et des personnes pour nous écouter. c'est rassurant

Myriam est rentrée d'un voyage d'un mois à new york. je bossais mon histoire, mes cheveux étaient encore mouillés, je ne savais pas s'il fallait que je fasse un effort de présentation. Tout les dimanches je fais un masque à mes cheveux, la crème sent bon, la texture est rigolote, c'est vraiment un plaisir, après je sais pas si ça marche vraiment mais j'ai besoin de plaisirs programmés comme des punaises sur ma semaine, des points précis où je sais que tout sera bien.
Elle est entrée, le roulement de sa valise, papa qui l'annonce, j'appréhendais un peu, il y a quelques jours j'avais fait un rêve où on s'entendait pas bien. Avec Emile on se l'imaginait revenir obèse ou je sais pas quoi, un changement. En fait elle avait pas changé, peut-être même qu'elle avait maigri, elle portait un nouveau jean, des nouvelles baskets reebok et une nouvelle montre casio, toute petite, je veux la même, en ce moment je porte une montre à mon frère, il me dépanne.
On s'est planté devant elle, Emile tenait ses exercices de français, mon père nous a dit "vous l'embrassez pas?" et j'ai répondu "nan mais on s'embrasse jamais avec Myriam", je crois qu'il l'a mal pris, il comprend pas encore bien comment on fonctionne, nous on trouve ça normal, jamais j'ai fait la bise à ma soeur, je veux dire, je suis pas folle.
C'était dur de reprendre les choses là où on les avait laissées, ça remonte à loin, jamais on a fait passer autant de temps. On est resté bien une heure dans l'entrée, elle vidait sa valise en parlant et moi j'étais debout et je faisais rien de précis, juste je l'écoutais et je répondais, à un moment elle a essayé de dire un truc à la hauteur de ce qu'elle éprouvait : "chui contente de vous voir...vous êtes marrants", dans notre famille les marques d'affection se résument à ça et tout le monde se porte bien. Elle a sorti un truc de sa valise, avant qu'elle ne parte je lui avais bien dit "me prends rien surtout, je veux rien, garde ton fric pour toi franchement", le truc c'était un t-shirt de Stewie Griffin, le truc que je cherche depuis longtemps, il est noir avec deux dessins de Stewie, l'une de profil et l'autre de face avec une légende comme quoi c'est le mec le plus dangereux du monde, etc, etc. J'étais contente, ça me suffisait. Mon père a eu une écharpe en cachemire, ma mère aussi, elle avait pas eu le temps de prendre du beurre de cacahuètes à Emile alors il a eu droit à un gros tube de M&M's et à un Toblerone géant, le genre de choses qu'on trouve qu'à l'aéroport et que ma mère n'a jamais voulu nous acheter. Pendant longtemps ça nous a été refusé et maintenant quand je suis dans une boutique duty free je les regarde comme si aujourd'hui encore pour une raison qui m'échappe je pouvais pas les acheter. Ca sert à ça d'être adulte, tu repasses sur les lieux de ton enfance et tu refais les choses en mieux parce que t'en as les moyens.

J'y avais pensé mais c'est vrai que je m'attendais pas à ça, Myriam qui rencontre trois garçons pendant les vacances, dont un où ça ressemblait de près à une relation sérieuse. Elle a dit "ça fait 20 ans que je suis ici et personne ne me regarde et en un mois là-bas...", elle m'a raconté un peu, il y avait un Danois qui était son voisin dans l'avion et qu'elle a recroisé par hasard dans Central Park puis un batteur d'un groupe de jazz qui est venu lui parler et puis un autre mais je m'en souviens plus. Dans ma tête c'était un peu comme dans un monde parallèle, un peu le Magicien d'Oz, la nana qui suit son chemin et qui y rencontre des personnages improbables. Je crois qu'elle a réussi a me communiquer l'ambiance dans laquelle tout ça s'est produit, une ambiance propice aux rencontres, de liberté, de total enrichissement, d'un enrichissement qui ne laisse la place à rien d'autres, elle a travaillé des semaines au Mcdo pour se faire de l'argent de poche et elle a dépenser sans compter, c'est à dire qu'elle a dépenser selon ses besoins, elle a pas trop fait de folie, vraiment rien, une paire de desert boots marrons comme celles que portait Baptiste (ces chaussures me font automatiquement penser à lui alors je peux pas ne pas le dire, ça doit bien avoir son importance), des Reebok, deux pantalons, une montre, des trucs pour ses copines, un fer à lisser parce que moi j'avais pris le nôtre au liban. Le reste pour la nourriture, les sorties, le théâtre, le cinéma, les musées, les comedy club, les transports, un mois comme ça, comme on veut que ce soit. Elle a dû vivre trop de choses, et notre truc à nous c'est de ne rien raconter, enfin de raconter mais que ce qu'on veut et un peu espacé dans le temps, à notre rythme, et on fait l'impasse sur les photos parce que c'est insupportable pour tout le monde. Si elle a envie de raconter des choses je l'écouterai jusqu'au bout et je ferai des blagues.

Maman avait fait une tarte aux pommes, j'en avais déjà fait disparaître plus de la moitié, nan vraiment, le reste, son poulet, ses pommes de terre, que tout le monde les prenne, mais sa tarte aux pommes je peux pas, c'est trop pour moi et je me sens bien qu'après l'avoir fini. Là j'avais réussi à en laisser un peu en me forçant à penser à ma soeur affamée et à ma mère qui m'aurait frappée avec sa tong. J'ai sorti des assiettes en parlant un peu d'Emile,

"ce con au petit déjeuner il a mangé des pâtes, tu sais que maintenant il veut devenir écrivain? Il écrit pendant les permanences et il vient me voir et il me demande si ça peut faire le début d'un livre. Il s'est acheté des pulls trop beaux chez Gap, Emile montre lui tes nouveaux pulls. Tu sais qu'on s'échange nos Converse? On fait la même pointure, c'est coul hein. Pendant les vacances il a pas arrêté de nous saouler avec le Japon et les sushis, mais vraiment tous les jours, c'est un malade, il pense qu'à bouffer, il dîne trois fois par jour."
Moi là j'ai pas mangé, un peu plus tôt j'avais déjà déjeuné toute seule, un gratin de choux fleurs et de pommes de terre, j'étais encore debout pendant qu'elle et Emile mangeaient du poulet et des pommes de terre, je la voyais découper le blanc de poulet, il avait l'air tendre et sensationnel mais je me suis dit "stop murielle". Maman avait très bien fait la maîtresse de maison, parfois, pour ne pas dire tout le temps, elle me fait penser aux ménagères américaines sur les photos qu'on peut voir dans les livres d'histoire et qui illustrent la société de consommation et tout ça, elle tient le gros poulet avec des serviettes pour pas se brûler, Norman Rockwell.

Je me battais pour qu'on me file le dernier carré de tarte aux pommes. Puis on a papoté et je lui ai montré mon nouveau PC, mon nouveau sac à dos et les nouveaux trucs qu'il y avait dans la chambre, elle faisait "waaw, waaw", ça lui faisait bizarre, sa chambre, ses affaires, alors c'est là où je vis le reste de l'année. Il n'y a qu'un lit qui est à elle sur cette terre et il est dans cette chambre alors tu m'étonnes que c'est important. J'avais pensé à lui faire la blague "alors là c'est ta chambre" et tout mais j'avais déjà fait la blague de genre nous présenter moi et Emile quand je l'ai vu dans l'entrée.
Elle regardait la télé puis elle s'est endormie, j'étais partie réviser l'histoire dans la salle à manger, quand mon père est rentré il est venu me dire de la couvrir, d'abord j'ai étalé un châle sur elle, mais il était trop petit alors j'ai pris le plaid qui était sur mon lit sous mes affaires, c'était la première fois que je la voyais un peu comme une femme, avec sa vie et ses talons, elle était vraiment blanche, ça fait un an qu'elle a pas bronzé et ça se voit, c'est un beau blanc. Je me souviens de mon dermato qui disait à ma mère "le soleil est responsable de 80% du vieillissement de la peau". Après le soir avec Emile on a mangé de la soupe aux oignons et de la viande, on a encore dit les mêmes choses comme la fois où on en avait mangé après There will be blood, à minuit, "on dirait du miel liquide", "nan on dirait de l'or", "la viande c'est plus bon que le caviar", "la cuisine ça doit se faire avec amour" il a dit, et ma mère est intervenue "la cuisine ça doit se faire dans une cuisine propre", "nan avec amour parce que bon tu peux cuisiner tout le temps mais si c'est pas fait avec amour", etc etc etc.

Après j'étais dans mon lit, sur les coups de minuit, j'avais la soupe aux oignons que j'ai toujours du mal à digérer, je portais un sweat en velours rose et je pensais un peu à mon bac, je sais pas bien pourquoi, j'étais un peu perdue, à ce niveau-là de ma vie je me sens un peu seule, je sentais que quelque chose devait arriver, une averse, un imprévu dans ma vie, ça fait longtemps qu'une crasse ne m'est pas tombée dessus, et là le coup du "je foire mon bac", je le sentais venir. Ce serait dur pour tout le monde autour de moi et ça finirait bien par m'atteindre aussi, déjà ce serait dur de l'annoncer sur mon blog et puis aussi aux gens que je connais, ils jugeraient et demanderaient des explications qu'ils ne sont pas en droit de réclamer. Je pense à des personnes précises qui s'en réjouiraient, comme la preuve indubitable que je suis une grosse conne.

Red Hot Chili Peppers - I could die for you
cette chanson c'est mes 11 ans, c'est aussi le premier album que j'ai acheté avec mon propre argent, il coûtait environ 23,75€, je pense que mon père m'avait avancé les 3€ et quelques, sinon je vois pas comment j'aurai fait pour me l'acheter.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Mon dieu, je devais poster ici pour prévenir: Houellecq co-signe un livre avec BHL. Quelle horreur.

http://www.republique-des-lettres.fr/10522-michel-houellebecq-bernard-henri-levy.php

Murielle Joudet a dit…

je l'ai su hier, et je me prononcerai que le jour où je l'aurai lu. Après tout ce n'est qu'un livre, le buzz s'évaporera aussi vite qu'il est apparu.

Anonyme a dit…

Ouais, mais même. BHL quoi, BHL. Pourquoi pas Beigbeder? xD