samedi 13 septembre 2008

Arrive toujours un moment où je me sens économe, où je n'ai besoin de rien et où j'arrive à accumuler plus de 50 euros, je range alors quelques billets dans mon porte-monnaie, le strict minimum pour un achat pas plus grand qu'un coca ou qu'un livre, et la plus grande partie est rangée dans une petite pochette cartonnée à rabats qui se trouve dans le tiroir de ma table de nuit et ceci dans le but de me piéger devant la tentation. Mais à choisir entre l'énervement à l'idée que quelques billets mieux rangés que d'autres auraient pu me faire acquérir l'Objet qui serait à l'origine d'un bonheur parfait et sans embûches et celui d'acheter compulsivement l'éternel pull bleu marine dans lequel on sera à l'aise et pas trop moche à condition de se retrouver sans argent pendant quelques semaines, je choisis l'option deux.
Aujourd'hui j'avais emmené la petite pochette à rabats, dedans il y avait 30 euros économisés pour de grands projets futurs, tel un nouveau manteau ou un coffret DVD, ceci reste encore à voir.

Chez h&m, initialement partie pour acheter un jogging j'y ai trouvé un jean taupe et un pull bordeaux que j'ai pris taille XL, ainsi qu'un jogging, bleu marine. Il y avait énormément de monde et on était tous à la recherche du même Graal vestimentaire, je me suis dit "heureusement que nous n'avions pas tous les mêmes goûts", voilà ce que je me suis dit. J'ignore pourquoi mais aujourd'hui j'étais d'excellente humeur, on m'aurait poussée, jeter du haut de l'escalator et doubler en caisse que je serais restée souriante. Ce jour-là je crois que j'étais un peu émue par les gens et que, plus que d'habitude, je devinais en chaque personne la vie qu'elle mérite qu'on lui réattribue avec toutes les choses compliquées que ça implique (les cours de flamenco, les crèmes de jour, les gens thé, les gens café, les métiers bizarres, les enfants surdoués, les chaussettes trouées, j'aurai très bien pu me trouver à quelques mètres d'une chaussette trouée sans le savoir).

Il y avait une femme qui essayait d'extirper le plus délicatement possible des collants de leur emballage devant une caissière parce que celle-ci lui avait dit qu'il était possible de les rendre mais seulement bien emballés et non portés. Devant moi il y avait deux filles, une brune et une fausse rousse peut-être, elles devaient avoir la vingtaine, elles étaient minces et habillées en jean et en ballerines, la brune appuyait du pouce les épaules de la robe sur celles de son amie pour voir si la longueur était bonne.

En me dirigeant vers la sortie et en voulant exécuter le geste de mettre mon écharpe autour de mon cou j'ai vu qu'elle n'était plus là, ni accrochée à mon bras comme aurait pu l'être une amie (certaines font ça je crois), ni dans mon sac, ni dans mon sac monoprix (j'ai dû m'acheter un paquet de mouchoirs de poches parce que j'oublie tout le temps d'en prendre à la maison et même je crois qu'on n'en avait pas mais j'aurai pu prendre quelques kleenex d'une boîte et les plier comme je le fais souvent mais ça aussi j'ai oublié), je suis redescendue, catastrophée, c'était la plus belle écharpe bleu marine qui puisse exister, soyeuse et au tombée impeccable et en plus de ça payée 4 euros, en redescendant les escalators j'ai vu ma vie sans elle défiler devant moi, qui voudrait encore de moi sans ce bleu autour de mon cou? je vous jure que sur le moment c'est précisément ce qui me passait par la tête, je vivrai avec cette blessure toute ma vie, le sujet en deviendrait tabou, parfois au détour d'une rue j'aurai l'impression de la voir. Il était donc hors de question que je remonte sans. Je m'étais souvenue d'un moment où posant mes futurs achats sur un tas de fringues j'avais sans doute pu la perdre.
Quand je perds un objet, c'est simple, je mets le prix qu'il faut pour retrouver la copie la plus proche, parfois même plus belle. Pendant les vacances j'ai failli perdre mon cardigan bleu marine préféré, là aussi payé 9 euros au lieu de 58, le cardigan bleu marine universel. J'étais prête à y mettre le prix jusqu'à que mon petit frère qui se sentait impliqué le retrouve dans le sèche-linge, je suis actuellement toujours en train de payer ma dette envers lui.

Bref, ensuite pendant que les femmes cherchaient des fringues à acheter j'étais en train d'en chercher une que je possédais déjà. J'ai vu des vendeurs réparer les dégâts d'une bataille qui consiste à chercher sa taille dans une pile de trente pantalons. Ces plieurs, en temps normal on ne les remarque pas mais en fait ils sont assez faciles à repérer, étant les seuls à ne pas regarder les habits avec convoitise et d'ailleurs, plus simplement : ce sont des hommes dans un rayon pour femmes.
"excusez moi, est-ce qu'il y a un endroit pour les objets trouvés par hasard? parce que j'ai perdu une écharpe, bleu marine"
il appelle son collègue qui n'est pas loin, je marche vers lui, "bah j'ai perdu une écharpe bleu marine"
il semble savoir quelque chose et ses propos finissent par se préciser, il en a trouvée une tout à l'heure, il me demande de le suivre, le bonheur a un visage, j'étais soulagée comme c'est pas permis, ayant déjà commencé à penser à ce qu'on met à la suite d'une phrase comme "mais y'a beaucoup plus pire que ça, comme par exemple..."
je le suis jusqu'aux cabines, d'un tiroir en plastique il me sort le tissu sombre et magique
"ah merci, merci beaucoup", comme si je venais de reprendre par la main ma chipie de petite fille égarée, le regard plein de reproche et de soulagement.

Late of the Pier - Broken

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ah, les objets perdus à H&M, c'est une grande histoire. Fais gaffe quand meme la prochaine fois, certaines vendeuses peu scrupuleuses n'hésitent pas à piquer les trucs jolis non réclamés -j'en fais partie-.