mardi 9 septembre 2008




Je n'ai pas vraiment le temps d'écrire mais il n'est pas question que la fatigue me fasse faire l'impasse sur les rudiments à une journée réussie.
Je comprends maintenant pourquoi la plupart des écrivains ne sont qu'écrivains, il est juste impossible de passer sa vie à enchaîner les actes utiles et à côté de ça, écrire régulièrement, autant qu'on veut. Car le plus important est là : pour celui qui veut écrire l'idéal est qu'il puisse le faire jusqu'à l'épuisement. J'ai toujours aimé ces nuits d'écriture qui commençait tard dans la nuit et ce finissait tôt le matin, avec la ville lavée et blanche, le sentiment d'avoir dit l'essentiel pour au moins une semaine. Francis Ponge en parlait très bien, j'avais copié le texte qui figurait dans "le parti pris des choses", il expliquait que de retour de son travail il ne disposait que de précisément 20 minutes pour écrire.
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Quand je reviens du lycée j'ai comme des noeuds de fatigue plantés dans le corps, à cause des chaussures serrées, du jean accroché à la taille, du sac sur l'épaule, de la queue de cheval, des efforts de concentration et de socialisation qui ont jalonnés ma journée, et même, je pense que tout ça deviendrait supportable si j'arrivais à dormir plus de six heures par nuit.
Tirée et sollicitée dans tous les sens, les quelques gouttes d'énergie restantes seront employées à défaire précautionneusement ces noeuds, un par un, les doigts cherchant une issue tout autour du noeud, palpant, grattant, se concentrant sur la structure. Réhabiliter le corps à un état antérieur, passé sa soirée et sa nuit à travailler à sa réparation, avec le sommeil, la nourriture, le lavage de chacun de ses membres, la distraction, le repos devant la télé, "se détendre devant la télé", comme si tout s'évacuait par on ne sait où, on ne sait comment.

La fatigue ne permet rien, sinon d'avoir un regard un peu plus pessimiste sur le monde, la nuque de Lucia que j'aime tant regarder commence alors à m'irriter, la scolarité, la vie entière et les forces qui la régissent deviennent des mascarades, se vident de leur sens, il n'y a alors plus qu'un seul but à atteindre : le lit.
L'ennui est la principale cause de ma fatigue, je sais qu'en présence d'autres personnes et dans un autre environnement il en serait autrement, à la veille de certains rendez-vous je ne dors pas beaucoup mais une fois éveillée je me sens poussée des forces pour la journée et seul l'habituel café du matin me suffit. La fatigue dépend donc de ce que nous nous apprêtons à faire de notre journée, l'organisme est conscient de l'emploi du temps et il réagit en fonction de ce qu'il en pense. La fatigue n'est que l'expression de son opinion.

Je vous parle depuis mon lit, Emile regarde les Simpsons sur le lit de Myriam qui est encore à new york, hier je suis tombée malade en début d'après-midi, une gêne dans la gorge qui s'est maintenant muée en rhume, j'ai une boîte de mouchoirs et un paquet de bonbons au miel pas loin de moi, Marie m'en avait donné un en cours et ça m'avait drôlement soulagé, en revenant chez moi j'ai appelé ma mère pour lui demander de passer à la pharmacie pour m'en acheter, Marie, la certitude dans la voix m'avait affirmé que le paquet coûtait 1,50€, en revenant ma mère un peu sur les nerfs par l'effort que ça lui avait demandé de passer par la pharmarcie, avait protesté "quel 1,50€? C'est 3 euros le paquet", je crois qu'au fond je m'en doutais.
Ils sont beaucoup trop bons mais je les soupçonne d'être caloriques alors je fais mine de cacher le paquet au fond de mon sac, comme pour y rendre plus difficile l'accès, me décourager.
Je dois encore recopier des cours au propre, je dois aussi faire mes cheveux, préparer mon sac. mais pour l'instant je n'ai ni envie de m'extraire de mon lit, ni envie de m'extraire de cette ambiance pure et lumineuse de fin d'après-midi, quand le jour nous offre ses derniers éclatements, son dernier lait, comparable à celui que je côtoie le matin très tôt, quand je descends de chez moi et qu'il fait un peu froid, que je regrette d'avoir fait l'impasse sur une veste, car on s'habille tous en fonction du temps de l'après-midi.
Emile et moi avons alors conscience de la chance de la possibilité du repos et du réconfort après ce que nous estimons être de dures journées.

Il est aux toilettes et demande à ce que je hausse le son de
Metronomy - My heart rate rapid, c'est notre tube de la rentrée,
ça peut facilement devenir le vôtre.
On aime bien danser dessus dans le couloir comme des automates.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

D'autres écrivains diront qu'ils ont besoin du contact "utile" pour écrire, que la vision d'un idéal ne se fait pas sans partir de loin, ou que "faire utile" est un moyen d'être soi sans s'observer, puis écrire pour s'observer et être un autre.