jeudi 18 juin 2009


Notes d'une prissonière bachotante retrouvées gravées sur les murs de sa chambre et sur des morceaux de ticket de caisse.


La philosophie à ceci de fascinant qu'on tombe par hasard sur un texte au détour d'un lien ou d'un livre, tout est fait pour qu'on ne le lise pas, c'est le moment du pur hasard, comme si de rien n'était.
A sa lecture c'est le monde qui se renverse, s'orne du charme de la vérité, de l'illusion de moins. Illusion de moins qui ne tenait qu'à un lien plutôt qu'un autre ou à ce texte plutôt que celui-là. Nous venons chercher la philosophie, son austérité est son exigence, l'étape à franchir. Une fois l'étape franchie elle nous dévoile ce qu'elle a d'irrésistible, mais c'est un charme comme une ivresse et qui s'oublie parfois.

Il y a (avait) deux types de cours de philosophie. Ceux après lesquels je ressortais assurée de mon savoir et de ma compréhension, les idées claires et la tête pleine; un homme dans la rue aurait pu m'arrêter, me poser une question sur le cours que je lui aurai répondu et qu'il m'aurait tendu un bon point.
Puis le cours où la philosophie devenait un cercle dont je suis exclue, je ne suis plus à elle, elle n'est plus mienne, mon incompréhension se mue en haine, en dégoût, je ne veux plus la voir, je préfère la douceur des livres, la modestie de leurs vérités tremblantes à la rigueur de cette femme trop assurée de ses charmes.
On aurait pu faire en sorte que cette incompréhension soit sans enjeux mais tout repose sur elle du fait du choix de mes études, c'est la première fois de ma vie que je n'ai plus le droit de renoncer. Le renoncement, l'abdication me donne désormais envie de pleurer et pourtant à chaque instant je m'en sens capable, capable de retourner à la vie d'avant, de la conséquence zéro, du risque zéro; j'étais plutôt nase mais j'étais tranquille, aujourd'hui je suis submergée parce que l'ambition peut avoir d'aventure, de romanesque en sachet individuel.

Les matins de révisions je suis entièrement dépendante de ma douche et de mon café, si ne je les prends pas je me rendors pour la journée. En plus il commence à faire chaud et ma chambre est petite et la moquette, c'était comme si elle emprisonnait la chaleur. Quand il fait chaud, je ne sais plus quoi faire de ma vie.

Je me suis fait une raison, j'arrive à comprendre que le corps n'est pas voué à être propre et à sentir le gel douche, il transpire, il se rebelle, il s'enbaume lui-même et il ne faut pas trouver ça sale mais naturel.

J'étais en train de me laver les pieds quand Emile est venu à 2h du matin me demander de sa voix d'endormi-réveillé "tu peux m'héberger j'ai peur y'a des moustiques dans ma chambre", il a dit ça d'une traite. Je lui ai improvisé un lit entre le lit de ma soeur et le mien, comme on fait quand c'est les vacances et qu'on peut se permettre de faire la fête.

Mes journées de révisions se passent en deux temps:
1) je me félicite d'avoir autant réviser et je commence ma pause
2) je me punis d'avoir pris une si longue pause et je me remets au travail. Petit cercle vertueux.

Dans ma tête le rythme est aussi binaire:
1) confiance totale en mes connaissances sinon en mes facultés d'improvisation
2) doute de tout, panique, mal de tête.

Je me demande comment doit aimer mon professeur de philosophie, penser à sa vie est jusqu'à présent le plus grand exercice d'imagination qu'il m'ait été donné d'accomplir, disons plutôt de correspondance de l'imagination avec une vague idée de vraisemblance. Il a connu l'amour et même l'adolescence, alors qu'il semble être si définitif, si lui-même dans ce qu'il est à présent. il ne sort pas de nulle part et il est fou de penser que d'une personne étrange et qui subjugue je n'arrive à rien me figurer, plus que d'autres je veux dire. J'arrive à croire qu'il puisse venir de nulle part, mais contrairement à ce que l'on croit, personne n'est une apparition, et j'en ai conclu que mon professeur doit aimer comme Antoine Doinel. Il retrace du doigt, l'arête du nez, les contours du visage de l'être aimé. Ca me paraît plausible, je le vois le faire.

Je travaille l'après-midi dans ma cuisine, au début je me fixais des horaires à la fois pour me garantir un certain temps de révisions comme pour me limiter dans mon travail. En fin d'après-midi je fuis vers le Jardin du Luxembourg où je lis sur une chaise ou un banc. Dimanche il y avait un orchestre et deux coréennes qui papotaient derrière moi, en sortant je me suis achetée une glace au cappucinno avec la boule mal vissée sur le cornet et qui dégoulinait gravement, j'ai tout de suite regretté le choix du goût. Les deux marchands de glace qui se font face près de l'entrée du jardin ont une palette impressionnante de goûts, allant du muguet à la lavande en passant par je ne sais quoi, initialement je voulais du chocolat blanc mais la fille m'a dit qu'il n'y en avait plus -nos goûts sont prévisibles- aussi j'ai dû choisir vite et j'ai choisi non seulement le plus banal mais le plus mauvais. Le pire c'est que j'ai de la glace au café à la maison, je m'en suis rendue compte après. Ensuite je suis allée au cinéma voir le premier film de Martin Scorcese; un ravissement qui contenait tout ce qu'il me fallait : de la musique, du noir et blanc, des manteaux précieux.
Ca ne marche pas à tout les coups ces sorties toute seule mais il est toujours plaisant de constater que sa propre compagnie est suffisante, qu'on ne se désespère pas, c'est comme si dans le fond tout le monde était neutre et bon, agréable et conciliant et que par dessus cette substance se trouvait une épaisseur d'humeur qui pouvait faire qu'on se déteste ou qu'on s'adore, qu'on se trouve bien en soi ou non. Il y a ce dédoublement.

On ne sait pas vraiment pour les bancs. Si on a le droit de s'asseoir à l'extrêmité d'un banc déjà occupé en son autre extrêmité, si on a le droit de s'asseoir avec une personne assise en son milieu, est-ce que tout le monde à la même mesure de l'espace vital? Qu'est-ce qu'un banc occupé? Comment s'asseoir près de quelqu'un sans lui faire croire que je m'intéresse à lui? Et parfois c'est vrai. Parfois c'est faux. J'ai dû faire le tour du Jardin pour en trouver un totalement libre et ainsi ne pas me poser ces questions trop torturantes.

J'ai ma théorie sur les mugs de café dans les films américains. Il ne sont pas les champions pour tout ce qui est objets de quotidienneté au sein de la fiction, par contre ils aiment bien faire revenir un personnage des courses, surtout dans les séries, mais leur grand dada reste le mug de café. Do you want some coffee? Ca ils aiment bien, ça ils en ont besoin, comme si le personnage ne pouvait continuer le film sans sa tasse, cela ajoute ce petit côté de vraisemblance et de convivialité à toute situation. L'esprit Starbucks.

Je regarde trop les femmes, je les mate à mort. Il y a des femmes enrobées dans des robes très colorées et très distinguées, comme de gros cadeaux. Leur peau est uniforme et parfaite, presque virtuelle, pas d'égratinures, pas de signes de faiblesse si ce n'est au niveau des pieds et du talon, la cicatrice d'une cloque, d'une ampoule, bref, d'un pied malmené et qui contraste terriblement avec le reste.

Un jour je me suis rendue compte qu'on pouvait deviner la direction de mon regard à travers mes Rayban, elles ne sont pas assez opaques. Depuis je ne quitte plus mon autre paire, bien noire, bien large, qui englobe plus que le regard mais pas du tout à la mode, et achetée pour cela même. C'est un luxe inestimable que de pouvoir voir sans être vue, de pouvoir remarquer que les gens passent leur temps à vous remarquer comme vous les remarquez.

Je reste très au courant de la provenance des visiteurs de mon blog. Depuis un mois, une personne qui aime à taper mon nom et prénom sur google jusqu'à 10 fois dans la journée. Mystère et curiosité: que cette personne s'explique.

La veille au soir de l'épreuve de philosophie, j'ai tout oublié de la méthode de dissertation, je suis d'une tristesse crasse, dégoulinante, un besoin de dormir pour m'isoler comme un petit chat, je semble inconsolable, je ne m'étais jamais vue dans cet état.

Lundi je retrouve mes copines. J'ai l'impression de revenir de loin, du fond de mon esseulement. Qu'il est bon de parler de films d'horreur tout en mangeant une de ses salades préférées. Tout accablement mérite d'être partagé. Les révisions sont dures pour tout le monde et l'on comprend que c'est une peine qui ne peut se partager, elle est le moment de la solitude responsable. On ne peut donc la partager en l'allégeant mais la partager en comprenant que tout le monde en à une part égale, et que c'est un peu soulageant.

Après les révisions, je pars à la recherche de l'acte nul : lire un magazine dans les transports, me faire encerclée par des bambins de centre aéré touchants d'impolitesse, acheter une crème hydratante qui sent fort, sentir les pages d'un beau livre et consulter son prix en pensant qu'"un jour, je l'aurai", regarder une caissière désoeuvrée pensive à qui je dois répéter "c'est ouvert?", tenir une porte, observer une queue devant un cinéma, boire un Nestea sur une terrasse, ramasser quelque chose pour quelqu'un, prendre le bus dans Paris, n'importe quoi mais une fuite loin des cahiers pour dédramatiser et comprendre que la vie vit sa vie indépendamment de ces moments que l'on s'imagine déterminants.

Un bon site à fouiller de fond en comble:
http://pierre.campion2.free.fr/textes.htm

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Un bon site pour réviser son bac de français:
http://yz2dkenn.club.fr/index.html

Pierre a dit…

C'est pas comme si on était en terminale, hein?

(oui, je pars du principe que l'on a TOUS l'âge de Murielle)

Elisabeth a dit…

Tu veux faire quoi comme études ?

(dixit une représentante du lobby Lettres Modernes de la fac)

Murielle Joudet a dit…

P.H.I.L.O
PHILO!

(+ musique d'Ottawan)

Pierre a dit…

Où ça?
Hypokhâgne pour moi, deux années à sacrifier :-s

Murielle Joudet a dit…

Paris 1,
Paris 4 étant trop loin.

Murielle Joudet a dit…

(Bonne chance pour l'hypokhâgne, ma copine Julie y va aussi. Liste de lecture : Sartre, Proust et Houellebecq; je m'inquiète pas pour elle.)

É a dit…

étais-tu au dernier rang de la salle pour Who's That Knocking At My Door ?

Murielle Joudet a dit…

Je me mets jamais au fond d'une salle, je me place toujours vers le milieu mais toujours un peu plus vers le devant que le derrière...comme ça c'est dit, pour la prochaine fois. ;)


(Casino, ce soir, haha)