lundi 26 juillet 2010

"Ce qui m'entoure, ce que j'ai acheté, ce que j'écris, ce que j'ai imprimé, mes enfants, mes livres, mon désordre ou mon ordre -tout ceci me ressemble plus que je ne me ressemble. A plus de stabilité et de figure que mon moment"
Tel Quel - Paul Valéry



A force de temps libre, de temps mort, vient le moment où tout ce qui forgeait la vie active, son vrombissement, disparaît. Comme écrit Bernanos que j'avais cité ici, le monde ne doit pas cesser de remuer sinon la poussière reparaît et ces temps-ci je suis poussiéreuse, vieille mais sereine parce que je sais que ce n'est que temporaire, ce ralentissement des réflexes sociaux en tout genre je le vis d'ailleurs comme une chance. Je l'exploite, j'approfondis, je creuse avec les griffes comme quand j'étais enfant et que je cherchais le moment du sol sous le bac à sable, accédant ainsi à une autre dimension du réel, pensant que je m'approchais du noyau de la terre.
A force de ne plus trop parler, de ne plus trop travailler, de vivre de patience, de rester allongée le plus clair de mon temps, de manquer de pressantes ambitions faute de buts immédiats, à force de ne pas devoir et vouloir plaire et d'affirmer, sûr de moi-même, en fin d'après-midi "aujourd'hui je ne sors pas", et bien seul subsiste ce qui doit subsister: le bel ennui, de modestes plaisirs silencieux qui ne dépendent ni de l'extérieur ni des autres, ainsi qu'un soi-même purifié, je ne m'appréhende plus par plusieurs facettes, par plusieurs personnalités, je ne me transforme plus selon les personnes mais suis tout le temps la même poussiéreuse. Il y a aussi un grand silence caractéristique des vacances, celui dont personne ne veut en général et qui nous met immédiatement face à nos vraies craintes qu'on ne peut pas dissoudre en allumant la télé et qu'on ne peut affronter que par le raisonnement, l'honnêteté envers soi-même et l'élaboration de projets sincères.

La vie extérieure s'amoindrissant, c'est le superficiel qui est élagué.
J'apprends et j'essaye de me défaire jusqu'au dégoût des choses de la société telles que : les compliments, le bavardage, la fierté mal placée, la séduction factice qui consiste à faire la publicité d'un moi idéal qui n'est pas le moi sale de tous les jours, et l'ambition mesquine car exclusivement personnelle. La tête sous la couverture mais quand même très sérieuse, je me disais qu'au fond on n'a de valeurs que par des actes, et encore pas tous les actes, ce serait trop facile. La plupart du temps de la vie il s'agit surtout de se séduire soi-même, de séduire les autres, de bavarder, de creuser vers le haut jusqu'à atteindre la couche la plus superficielle, presque abstraite parce qu'insensée, de la vie sociale. C'est là que les vacances s'imposent comme essentielles, encore faut-il comprendre que la solitude et le ralentissement de la cadence y sont nécessaires, car pour certains elles consistent à intensifier la vie sociale jusqu'à l'hystérie.

Je cherche une action qui bifurque, non pas "faire mon chemin" et bien réussir, mais me surprendre, sentir devant moi une création qui aurait pu ne pas être mais qui est et qui s'impose comme déterminante dans ma vie. Il n'y a que ça qui compte. En discernant et en supprimant le superflu on est disponible pour se dévouer à ce qui reste, à ce qui n'attend pas et qui a trop attendu.

David Bowie - Cracked Actor

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