lundi 1 mars 2010

"Il fit courir ses doigts sur l'épine dorsale d'Alma par-dessus le tissu léger du chemisier et, pendant un moment, il oublia le danger devant lequel il se trouvait, reconnaissant envers le monde qui met volontairement des obstacles en place afin que nous puissions les vaincre, ressentant la joie de se rapprocher de quelqu'un, même si au plus profond de nous-mêmes nous ne pouvons pas oublier la tristesse de nos différences insurmontables."
L'histoire de l'amour - Nicole Krauss

Florian arrête pas de me vanner, il dit que je quiphe Nassim alors que j'aime juste son visage
irréel, ces ombres autour des yeux
devant la salle de classe, dehors en train de fumer, je lui dis "j'aime juste sa tête et il est gentil, en plus il a une meuf".
quel visage quand même
je trouve qu'il s'occupe bien de moi, c'était seulement la deuxième fois que je lui parlais, il est allé parler à des amis et je suis restée à ma place à côté de la poubelle, il m'a dit d'approcher, de ne pas être timide, je devenais un élément du cercle qu'ils formaient. Il m'a présentée, j'ai fait la bise à des gens que je ne connaissais pas et qui ne me reparleront jamais. Je n'avais plus de cigarettes et les mains dans les poches, il m'a passé la moitié de la sienne qu'il avait taxé à un ami, en la portant à ma bouche j'ai secrètement senti l'extrémité humide, on discutait ensemble.

En sortant du cours pour la pause il m'a dit "Murielle, t'as quoi dans la bouche ?" comme on le dirait à un enfant, j'ai fait "ah, euh...une brique de jus, je sais qu'à la base c'est pour les enfants mais j'avais que ça chez moi et j'ai paumé la paille". Puis une fois en bas il a rigolé et m'a dit que j'étais trop mignonne avec ma brique de jus Rik et Rok.
Je lui devine un coeur pur, il doit être fidèle en amitié, on sent l'intelligence et la bonté de coeur au principe de toutes ses actions. Il est dans la douceur, il parle aux gens et il s'intéresse à eux d'une façon qui désarçonne, il me dit "quand t'as levé le doigt je me suis dit "Murielle elle va tout niquer"" alors que comme d'habitude j'avais seulement demandé une définition pour pas trop me mouiller. Je lui ai dit que j'étais timide, que je ne faisais que participer en terminale mais là c'était fini, il m'a dit qu'on ferait une thérapie ensemble, que je devais me mettre à côté de lui au fond de la salle et qu'on attendrait que les autres participent pour lever le doigt, c'est comme ça qu'il procède.

Je lui allée chercher mes résultats du premier semestre, j'ai validé assez confortablement tous mes crédits, j'étais contente, j'accueillais la joie telle quelle m'arrivait, une énergie fluide couleur soleil. Je marchais vers la caféteria les yeux encore sur le bulletin, bravo Murielle, il fallait fêter ça avec un Ice-tea et un sandwich jambon-beurre. J'ai essayé à plusieurs reprises d'appeler ma mère pour hystériser la nouvelle, "maman j'ai mon semestre, hiiiiiiii" comme les filles qui pleurent au téléphone quand elles ont leur bac, on voit ça parfois à la télé dans le JT quand il parle du bac. L'enthousiasme c'est toujours mieux à plusieurs pour y croire vraiment, mais elle ne répondait pas.
Juliette n'allait pas tarder à aller chercher son bulletin, elle portait une belle veste grise avec une écharpe noire et grise, c'est une dame. De dos je doutais que ce soit vraiment elle mais j'ai reconnu son sac vert foncé. Elle s'engouffrait dans l'ascenseur, j'ai couru sur la pointe des pieds pour être auprès d'elle avant que les portes ne se ferment, nous étions toutes les deux enfermées dans une boîte en métal qui montait doucement. Quand nous nous sommes quittées peu de temps après elle m'a dit "encore bravo" très sincèrement.

L'autre fois un homme me bouscule assez violemment et s'excuse, je lui souris, je suis contente. Je crois que je préfère être bousculée et qu'on s'excuse car la relation infiniment brève tissée avec le coupable me réjouit, plutôt que de ne pas me faire bousculer. Je suis prête à souffrir du petit orteil écrasé jusqu'à la fracture pourvu que l'on s'excuse.

Les cuisses d'une fille rousse sous son collant noir transparent où l'on devine la peau froide et laiteuse qui rougit.

image : L'opinion publique - Charlie Chaplin

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est cool Nassim hein ?
Du moins il a l'air au petit soin pour toi petite Murielle ! :)

Juliette a dit…

c'est pour de telles tranches qu'il fait bon attendre le tranchage