dimanche 3 mai 2009

Bastille désert suite à la manifestation, je suis ici par hasard, parce qu'en voulant rentrer des Buttes-Chaumont j'ai dû reprendre la ligne 1 par Bastille. Quai du métro bondé, après quelques minutes je finis par laisser ma place sur le quai aux autres "ils en ont plus besoin que moi, aujourd'hui je flâne, je peux bien marcher un peu et vers n'importe où". Dehors la foire de l'art contemporain et des chaussées sur lesquelles on peut marcher. Il fait soleil et je mange une pomme en essayant de comprendre comment me rendre à Châtelet à pied.

Un peu plus tard, un groupe de jeunes de mon âge avec drapeau du Che, drapeau multicolore avec écrit "Pace", mélange confus de signes mal digérés et pourtant que je sentais pourvus d'une conscience politique qui chez moi n'en ait qu'à ses balbutiements. Ils scandent "police nationale, milice du capital!", calculent leur coup de manière à embêter le plus possible les agents de police. Dans le wagon avec eux, j'essaye de percer à jour leur manque de sérieux tout en espérant de leur part une sincérité dans la démarche qui aurait eu le don de me rassurer, de me convaincre que oui, à mon âge être engagé de cette façon pure, totale et sans arrière-pensées que réclame l'engagement, c'est possible. Ils sont exubérants et antipathiques.

Écouter les copines parler c'est de la mythologie. Là devant moi, elles me parlent et invoquent des personnes que je n'ai jamais vu et auxquelles elles ont l'air de croire. Elles en tirent des portraits bien précis en trois coups de pinceau et ce portrait devient comme une petite esquisse que je ressors, un petit dossier qui d'anecdotes en anecdotes finit par s'étoffer. Un tel est celui qui travaille dans une maison de retraite, une prochaine fois il fera cela, et puis ceci : il est donc cela. Portrait grossier mais truffé de subtiles précisions d'où en sort un monstre incompréhensible.

En sortant des Buttes-Chaumont, une maman tenait son fils par le poignet et se baissant à sa hauteur pour plus d'autorité, pour lui faire peur : "j'aimerais entendre ce que tu viens de dire parce que c'est facile de marmonner dans sa barbe...On fait tout pour te faire plaisir et toi tu dis que c'est la pire sortie que t'es jamais faite? On fait tout pour te faire plaisir..."

En me dirigeant vers le métro, un papa explique le 1er mai à son enfant "...le 1er mai...un jour seulement on a droit de vendre du muguet".

La glace de chez Jeff de Bruges, taille médium à 3,60€ pistache/chocolat. Je me pose des questions quant au goût pistache, comment on l'extrait, comment de la pistache il n'en reste que la couleur. Cécilia me dit que la glace pistache a le goût de l'amande.

Soeur : "maintenant je travaille ma précision, j'exagère plus."

La confiture à la rhubarbe dans le frigo depuis trop longtemps. Que faire sinon attendre qu'elle se périme? Ce serait trop fou, trop culpabilisant de la jeter telle quel, alors on fait quoi: on attend qu'elle soit en état d'être jetée comme si le signal venait d'elle. Il en est ainsi de tout les produits que l'on aime pas.

J'aime bien la zone d'attente devant le MK2 Beaubourg, je m'y sens à ma place. Les personnes qui attendent se trouvent en face du cinéma mais laisse l'allée entre eux et le cinéma, ils se placent derrière la ligne de poteaux, là où sont garés les scooters.

Au café, un couple discute calmement à côté de moi, ils boivent des cocktails, ils n'ont rien de spécial à se dire et restent très distants; on dirait un homme d'affaires et sa secrétaire, avec ce rapport uniquement utilitaire à l'autre, "on se voit trop= on ne se voit plus, je suis devant toi comme devant un miroir, je connais ça par coeur", c'était très bizarre. "J't'ai pas dit mais jeudi c'est soirée entre filles avec mes collègues". Il y a des phrases comme ça, des formules dont l'écoute fait trop plaisir. Ce qui fait encore plus plaisir c'est bien le naturel sinon la naïveté avec lesquels la phrase est prononcée, comme si nous nous trouvions loin du cliché, loin du prévisible, "soirée entre filles avec mes collègues", quand même.

L'homme qui en voulant sortir du wagon de métro a ramassé le pan de mon écharpe qui traînait par terre, d'un geste trop spontané, trop rapide, comme un réflexe de politesse. Je lui ai dit merci et une fois sorti je souriais encore dans le vide.

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