samedi 23 mai 2009

A l'exposition Giorgio de Chirico.

Je me jette dans l'exposition avec une curiosité innocente et nettoyée, j'ai le désir simple de découvrir un artiste avec lequel je pars déjà sur un mauvais a priori. Je me souviens de grandes expositions faites toute seule et où je suivais méticuleusement le parcours, où je lisais tout et où je finissais après une heure et demi à me rendre compte que j'avais mal aux jambes ainsi que la gorge et la bouche sèches. J'étais heureuse de m'en rendre compte si tard car c'est ce vers quoi le musée tend: que l'on arrive à en oublier son corps, ses besoins naturels, son statut social, ses préoccupations les plus triviales. Il y a des expositions avec lesquelles ça prend mais cela suppose toujours que je m'y rende seule.

Il m'arrive de persister. Si je n'aime pas un écrivain je continue de lire ses livres, si je n'aime pas un cinéaste, je continue d'aller voir ses films. Je maintiens ma confiance en eux, la rupture en art est douloureuse.

Je vois des couples qui évoluent entre les pièces, l'un se tient par la taille, ici la femme regarde le tableau et l'homme vient lui embrasser le front. Je me dis que l'amour exclue de son monde tout ce qui n'est pas lui parce que justement ceux qui s'y trouvent subissent une révolution dans leur vie. Je me dis que le jeu de l'amour ne cesse jamais, que l'amour englobe la vie, la retourne, la révolutionne. C'est un autre langage qu'on se met à parler; et c'est très bizarre à observer: ces gens ne sont pas dans leur état normal. Même dans les musées ils persistent à s'aimer et à se le prouver. Devant un tableau on préfère encore sa compagne au tableau. Peut-être même vont-ils au musée pour voir "sa moitié" regarder un tableau plutôt que le tableau.
Je me souviens que j'étais venue avec Baptiste au Musée d'art moderne et que j'avais touché du bout des doigts un Delaunay, le mec m'avait engueulé.

Je m'intéresse aussi aux documents exposés sous verre, j'en viens même à rester plusieurs minutes à déchiffrer une lettre qu'il écrit à un grand collectionneur Paul Guillaume. Il lui dit qu'il peint beaucoup et qu'il a le sentiment de devancer tout les peintres qui ne sont pas en train de le faire, il dit aussi qu'il ne croit pas en la pérennité de Monsieur Modigliani et Utrillo. C'est très drôle et rien n'est perdu de la vivacité du propos, de l'écriture : destinataire comme expéditeur sont morts et pourtant tout est restitué dans sa totalité. Soudainement j'ai la très forte envie de commencer une relation épistolaire, intelligente et discrète.

L'idée que Chirico finisse par ne plus que faire et refaire ses premiers tableaux, dans un souci (j'imagine) de conservation obsédante, entêtante, de conscience de son talent finalement assumée, trahit quelque chose de touchant et que l'on ne rencontre pas très souvent je crois, l'idée que l'artiste avant d'être surhumain est peut-être trop humain.

Mes 12-13 ans, ont été marqués par une correspondance avec un certain Hugo qui vivait à Tours je crois. Je lui écrivais des lettres d'une vingtaine de feuilles sur des blocs de correspondance bon marché que j'achetais chez Champion. Je n'ai jamais retrouvé cette même ferveur à l'écriture sur papier, avec Baptiste je le faisais aussi et ça marchait très bien, j'éprouvais un plaisir bouleversant à le lire et une excitation à lui répondre, à savoir que j'étais en train de lui dire des choses.

A la fin de l'exposition je tombe nez à nez avec un tableau qui illustrait la couverture d'un livre de Roger Pol-Droit acheté en 4ème. Je me dis -et j'avais le sentiment d'avoir déjà pensé ça de façon si précise à un moment de ma vie- que la première approche que l'on fait de la peinture se fait avec les couvertures de livres de poche.
Camus/Nicolas de Staël
Proust/Monet

Une journée avec une exposition est une journée bien remplie, quoiqu'il arrive.
Au moment où l'on sent que la journée bascule dans l'inertie et l'insatisfaction : se précipiter dans un musée.

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A propos de A bout de course de Sidney Lumet.

Alister dans la queue devant moi avec sa copine.

Impossible de passer à côté de cette façon qu'ont les personnages de laisser le robinet ouvert pendant de très longues secondes, autant dans la salle de bains que dans la cuisine.

Une larme me nettoie la joue à la scène finale, je ne fais aucun geste pour ne pas attirer l'attention de Cécilia qui repérerait tout de suite que je suis en train de me sécher les yeux.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bonjour,
Alors moi tu vois, quand j'ai vu l'affiche de De Chirico je me suis dit qu'il fallait que j'aille voir cette expo. Cette affiche, je la trouvais envoutante , mystérieuse pleine d'interrogations.
Alors quand je suis rentré au musee d'art moderne et que j'ai vu ses premieres toiles je suis resté scotché sur ces toiles jusqu'à la fin de l'expo avec en prime un interview de De Chirico d'une petite heure.
J'avoue que j'ai pas eu le temps de m'attarder sur les gens venus par passion ou regarder des tableaux
olivier