dimanche 15 février 2009


Ma mère est sortie de la clinique mercredi, il fallait qu'elle se fasse opérer, qu'elle se refasse opérer. Des problèmes lui viennent, elle part se faire opérer, elle revient, on n'a jamais eu le temps de s'inquiéter. Elle est partie dimanche, avec ses valises en cuir marron, le lendemain elle se faisait opérer. Mon père est resté toute la journée à la clinique "de 9h à 18h, il est juste sorti pour aller au Mcdo", m'a raconté ma soeur. Pour nous ça veut dire qu'il doit encore un peu l'aimer ou qu'il l'a aimé un jour et qu'il lui en est redevable et il tient encore à elle. Tenir encore à quelqu'un, dans ma tête ça ne produit aucune image ce "tenir". Ca doit vouloir dire qu'on s'accroche encore à quelqu'un, qu'on le tient, qu'on le tire par le t-shirt comme les enfants dans les cours de récréation qui se tirent par le t-shirt ou la capuche.

Avant d'y aller il devait m'accompagner au lycée en voiture, je me suis dit "aucun risque que j'arrive en retard". Je dis ça parce que j'ai un peu du mal le lundi matin, sûrement parce que j'ai espagnol et que ça m'arrange d'avoir du mal ou de rater mon bus. Au dernier moment mon frère a voulu qu'on l'accompagne et sur le trajet encore froid et sombre qui menait à son collège, au moment de tourner à droite, un camion-poubelle reculait en plein dans notre voiture. Nous n'avons ressenti aucun choc, aucune secousse sinon la peau de la voiture se faisant profondément égratigner sur toute sa largeur. Mon père a bien gueulé "oh putain de merde" pendant 5 minutes, je crois qu'il était tout à fait prêt à chialer un coup, parce que déjà c'est la voiture de son travail et puis parce qu'il a toujours des problèmes avec ses voitures. Mal garé, excès de vitesse, accidents, rayures, ou la dernière fois encore : trois dans une voiture deux places, et ce jour-là le pire c'est qu'on récidivait. Je commence à réaliser que tout cela n'est pas l'effet de causes extérieures mais qu'il faut simplement lui retirer son permis. On le sentait traversé d'une colère aveugle et très vite j'ai compris qu'il n'était plus question de m'accompagner au lycée. Emile me demandait s'il devait descendre pour continuer à pieds, je lui ai dit "ouais ouais descends, fonce", avant que mon père ne se décide à se calmer sur lui comme on peut le faire sur un cendrier dans les films. Quant à moi mon père m'expliquait implicitement que ce n'était plus le moment pour mes caprices de trajet d'école. Je suis descendue et je suis rentrée chez moi en attendant l'heure prochaine. Dans ces cas là il m'arrive souvent de ressortir un vieux CD et de l'écouter jusqu'à entrer dans la zone rouge du retard. Je parcours du regard mes CD avec un vague arrière-goût de chaque album dans la tête, puis je me dis "oui ça, c'est le moment de le réécouter", cette matinée il s'agissait de Sean Lennon. Je me souviens bien, Baptiste avait vraiment du mal avec les groupes que je lui faisais écouter, il avait des goûts un peu plus sérieux que les miens, c'est ça que je me dis maintenant. Il avait du mal avec Sean Lennon mais j'avais quand même réussi à lui faire aimer On again off again. Aujourd'hui je peux comprendre ce qui ne va pas, l'album est trop gentil, trop fade, presque trop bourgeois, je peux comprendre. J'arrive de plus en plus à comprendre des trucs qu'il pouvait me dire et qui donc remontent à 2 ans, ça me fait très souvent ça. On réfléchit encore sur le passé à deux, on passe sur lui comme un scanner, on le reconstitue à la lumière de ce qu'on est actuellement. Parachute reste tout de même une chanson qui à chaque écoute arrive à me faire cesser toute activité.

Ma mère a eu très mal, elle est sortie à 18h au lieu de 15h, mon père a dit aux infirmières "c'est inhumain ce que vous faites" parce qu'il attendait sans nouvelles. Je l'imaginais faire les cent pas dans le couloir, j'ignore s'il y a une autre façon d'attendre dans un hôpital qui puisse exister. je pense qu'en matière d'attente dans les hôpitaux le cinéma a tout fait. Tête prise entre les mains, retrouvailles d'une famille autour d'un accidenté, "va te reposer à la maison, je m'occupe de tout" "non je reste", etc.
Ma soeur est allée lui rendre visite le jour même. "Elle avait une couverture chauffante, tu sais comme pour les accidents, elle avait rien en dessous, elle parlait bizarrement, elle faisait trop peur". Elle lui a apporté des Celebration et des magazines. Les magazines c'est bien, ça rassure, il y a de la vie dedans, la vie des autres, la vie des gens connus de tous ou celles des brunes qui cherchent un shampooing ou des filles qui stressent pour leur entretien d'embauche et qui ont besoin de conseils, il y a les interviews des autres et la vie des couples, et des critiques sur des livres, des films et des albums, des critiques coupées du monde et rigoureuses. Alors que j'imagine que le livre a quelque chose d'aussi froid et d'aseptisé et d'aussi vrai que les hôpitaux, les gens n'ont pas besoin de vérité dans ce genre de lieux; le divertissement est alors vu comme un cadeau. Pendant ce temps je m'occupais d'Emile, je lui faisais à manger, oeuf au plat sur toasts et soupe. Je le tapais aussi pour qu'il fasse ses devoirs et qu'il se mette en pyjama. Il dormait au milieu de nos deux lits, dans un sac de couchage Quechua à même le sol, il me demandait de baisser la musique et la lumière.

Emile et moi sommes allés la voir mardi, après ma journée de cours option mardi gras anticipé. J'avais du talc dans les cheveux, une veste en laine avec des ronds de cuir sur les coudes, une chemise blanche et une cravate moche, un pantalon à pinces bleu marine, les desert boots marron de ma soeur, Cécilia m'avait apporté la veille la malette en cuir de sa soeur. Vendredi en revoyant mon prof de littérature je me suis rendue compte qu'en invoquant simplement le vague souvenir de son look j'avais en fait réalisé un sans fautes. C'était finalement assez facile, les profs de littérature sont vestimentairement prévisibles et je me dis qu'à défaut de leur imposer un uniforme ils se l'imposent à eux-mêmes. Je me dis aussi que cette belle veste en laine je ne pourrais pas la remettre cette année, elle est trop connotée déguisement, alors que je l'ai déjà mise en début d'année, je la porte depuis la 3ème et je l'aime depuis la 3ème. J'avais demandé un peu d'argent à mes parents pour pouvoir me la payer le jour où je l'avais rencontrée. J'étais très heureuse, presque émue à l'idée de l'avoir. En rentrant chez moi je la sentais frémir dans le sac plastique. Qui aurait cru qu'elle me servirait un jour pour ça.
Mon dernier déguisement remontait au mardi gras de 3ème où avec une amie, Agathe, nous nous étions déguisées en "caillera". Dans tout les cas, le déguisement doit s'assumer et se vivre pleinement. C'est déjà beaucoup d'audace que de vouloir se déguiser qu'il est hors de question de faire dans la demi-mesure. L'objectif premier est clair : être tout sauf soi, à partir de là j'imagine qu'il faut se prendre au sérieux et que çela peut devenir très intéréssant. J'angoissais assez, je tenais de tout mon coeur à ce que tout soit parfait, les cheveux, la cravate, la veste, ma venue en cours. Le prof en question ne m'a pas vu, il était pourtant bien présent. C'est que des gens me racontaient qu'à la nouvelle qu'une élève était déguisée en lui il ne disait rien, je ne m'imaginais pas me planter devant lui et attendre que l'amusement se manifeste sur son visage : il ne me devait rien, je ne lui devais rien. Ce n'était pas par sympathie que je m'étais déguisée en lui mais il me semble qu'il est le seul professeur reconnaissable à sa tenue. Sinon vous vous doutez que je me serais déguisée en Monsieur Delmas, soit porter une chemise, des baskets noires et un jean, soit ma tenue quasi-habituelle. Je me suis donc faite une raison : les échos qu'il allait avoir des autres professeurs et des élèves suffiraient.

Il avait suffit de me secouer les cheveux pour que le talc s'en aille, le talc ne colle pas à la chevelure, il ne fait que se déposer comme de la neige et s'enlève aussi facilement. J'ai enfilé un pull et mon manteau d'homme noir et nous y sommes allés. Le matin même ma mère nous avait appelé très tôt le matin, elle voulait que quelqu'un vienne, elle s'ennuyait, elle disait "ne marchez pas sous les arbres" à cause du temps. Moi je partais à l'école, j'allais dans les transports avec un bonnet pour ne pas qu'on me regarde bizarrement à cause de mes cheveux blancs et de mon costume. Je me suis dit, "une famille ça sert surtout pendant les maladies et les séjours à l'hôpital. est-ce qu'elle se sent abandonnée et est-ce que c'est permis qu'une mère se sente abandonnée, est-ce que c'est pas trop cruel". En revenant des cours je l'ai appelée, elle disait que ça allait mieux, qu'elle s'était habillée, coiffée, maquillée, que tout le monde l'avait appelée et qu'elle regardait la télé. Je lui ai demandé si elle voulait que je lui apporte quelque chose,
le chocolat noir à l'orange ou à la framboise qu'elle aime bien et qu'elle mange avec ses collègues.
Non ça va, j'ai pas le droit au gras.
Alors des yaourts ? des fruits ?
Oui apporte moi une pomme.
Au moment de partir j'ai pris trois pommes et deux yaourts avec une cuillère. La clinique se trouve près du Trocadéro, elle a déjà été hospitalisée ici, les chambres sont calmes et snobes, il y a des écrans plats et les robinets sont assez design pour ne pas que je réussisses à les ouvrir. Mon père lui avait acheté des fleurs exotiques mais elle n'y avait pas le droit. Quant à ma nourriture, elle insistait vraiment pour n'avoir qu'une pomme. Je ne sais pas vraiment pourquoi, personne ne peut prévoir s'il aura faim ou non dans la soirée, il faut penser "au cas où", les mères sont pourtant censées avoir cet "esprit d'au cas où".


5 commentaires:

Anonyme a dit…

Ordoncque, tu sniffes de l'Aspartame et tu portais une veste en tweed en 3ème. Mais qui es-tu ?

Anonyme a dit…

Par ailleurs, j'aime les pages longues mais la tienne t'arrive jusqu'aux hanches, tu ne crois pas qu'il est en temps de prendre tes ciseaux à deux mains et d'envoyer l'année 2008 aux archives ?

Murielle Joudet a dit…

tu critiques ma veste, tu critiques mon blog, tu...

(larmes)

Anonyme a dit…

Ne pleure pas voyons. Je t'offrirai un ruban en Tweed pour tes cheveux.

Anonyme a dit…

Tu l'as eu monsieur Delmas le jour ou tu t'es deguisee ? Qu'a-t-il dit ? Le mardi gras de notre lycee c'est a la rentree prochaine. T'aurais une idee de deguisement ?
PS : dans mon dernier commentaire, je t'avais demande si t'etais bien, avec Lou son eleve preferee et tu m'as pas repondu. J'aurais bien aime savoir, parce qu'il est juste que tu le sois, avec toute l'attention que tu lui portes, mais tu ne m'as pas repondue ...
Sniff (desole pour ce manque d'accents, j'ai casse la touche XD)