
Vendredi au Rive droite il y avait le karaoké. On était sur la terrasse chauffée, ça faisait qu'on était tranquille seulement quand la porte qui donne sur le dehors et la porte qui donne sur l"intérieur était fermées : la première faisait entrer le froid, la deuxième faisait entrer le bruit.
Ce vendredi soir je portais mon manteau noir d'homme et une écharpe ressortie du fond de mon étagère à écharpes. Il y a des choses trop audacieuses ou dont on doute de la beauté pour les porter en cours, alors on les teste lors de brèves sorties dehors, histoire de voir discrètement et à l'abri des personnes qui nous connaissent si elles méritent d'être exposées au grand jour. Cette écharpe c'était ça : épaisse, longue et large, achetée il y a très longtemps (4ème je crois) au H&M des hommes pour 3€ peut-être, enfin un prix vraiment dérisoire qui m'avait mises en joie. La couleur a aussi une histoire, elle est verte menthe à l'eau. En 3ème j'habitais seule toute l'année une table longue pour deux et collée à celle du bureau des professeurs. Elle me donnait l'occasion d'une complicité avec eux, j'entendais ce qui échappait aux autres. Quand les professeurs voulaient s'adresser à autre chose qu'à 30 élèves et bien c'est moi qui prenait, c'était très agréable quand j'y repense, je crois que cet emplacement ne présentait que des avantages, j'échappais presque totalement aux histoires et bavardages d'élèves qui se tramaient derrière moi, derrière ça n'existait tout simplement pas. Je ne pouvais qu'être extrêmement attentive en cours, mes notes ne suivaient pas, cela surprenait tout le monde. Une fois je portais un haut vert menthe à l'eau, et ma prof d'arts plastiques m'avait alors dit "c'est osé cette couleur pour une brune comme vous". Depuis ce vert je l'imagine osé et en porter s'avère être un calcul de ma part. Je ne sais pas, je crois qu'elle avait raison, il y a vraiment quelque chose qui se passe entre ce vert et mes cheveux.
Je vais au lycée, il fait encore nuit, il fait encore froid, bonne ambiance, les gens se déplaçant à la façon de fourmis studieuses et silencieuses. Sur le trajet j'entends un père dire à son fils "tu me refais le coup de la bretelle cassée", le fils est baissé sur son sac, en difficulté. Peu après, en cours, je le dis à Julie, je lui dis toujours ce que j'entends dans la rue sur le trajet de l'école. Elle me répond "t'entends toujours des trucs bizarres dans la rue toi", on dirait qu'elle est jalouse. Je ne sais pas, je crois que tout le monde peut entendre, il faut être attentif, aussi là je me dis : C'est vrai que Julie a un Itouch, voilà donc, jeunesse, ce que tu rates.
Penser à ouvrir un blog "brèves de rue".
Au Chistera, un vendredi, le vieil homme habitué du café à une connaissance : "la vie passe, on coule, mais on coule doucement...". Quand j'entends de vieilles personnes parler c'est un éternel tangage entre deux types de discussion :
1) discussions anodines sur le temps qu'il fait, sur les jeunes.
2) discussions graves qui se rapportent à la maladie, la solitude, la vieillesse ou la mort.
Je ne dis pas ça méchamment.
Dans ma douche je regarde la mousse du gel douche glisser sur mon bidon, je me dis que vraiment ça aurait beaucoup plus d'allure sur le large espace qu'est le dos, qu'on pourrait même filmer ça, parce que c'est intéressant. Ça coule plus vite quand on y met de l'eau. Voilà ce qu'on rate à ne pas voir son dos. Je pense à la pub culte du chocolat pâtissier Nestlé, avec le chocolat qui glisse sur la poire, à l'époque je ne savais pas que cela pouvait avoir une connotation érotique.
Julie n'aime pas vraiment la place qu'elle a dans la salle de philo : sa table est bancale. A chaque fois je lui prête mon paquet de mouchoir dont je retire la majorité des mouchoirs, ensuite elle coince le paquet sous le pied de sa table, ça ne bouge plus. Je laisse alors les mouchoirs immaculés près de moi mais j'ai la sale manie de toujours laisser mon stylo plume ouvert posé dessus, ça m'arrive beaucoup trop souvent. La cartouche se vide, les mouchoirs sont foutus.
Emile mange devant moi : "mon copain russe, il a les cheveux en bataille...et même en guerre."
Vendredi de la semaine dernière, Cécilia doit aller chez le kiné, elle veut que j'attende avec elle l'heure de son rendez-vous, nous allons regarder les livres au Virgin. Il y a des moments où vraiment, il y a des livres qui s'imposent à moi, je les ai en tête, sur des listes de livre à lire, puis un jour ils affleurent de la masse de livre à lire, comme ça, sans aucune raison, vraiment aucune. L'idée se précise dans ma tête et malgré tout ce que j'ai à lire, tout ce qui s'empile et se meurt sur ma table de chevet et dans des sacs sous mon lit, j'achète le livre. C'est le moment de lire ce livre, je ne pourrais pas lire dans une période plus idéale que celle-ci Oblomov.
Ce passage au Virgin a aussi été l'occasion pour nous de découvrir la tête des nouveaux Folio. Le constat est sans appel, extrême déception. Folio qui jusque-là l'emportait loin devant les autres maisons de poche vient de perdre de son prestige. Un jour quelqu'un m'a écrit : "le partis pris de sobre élégance des Folio m'énerve un peu", je ne pouvais qu'être d'accord même si vraiment je ne le ressens pas du tout comme ça, peut-être parce que le livre de poche en général m'est sympathique, en fait je pense que s'il fallait critiquer quelqu'un ce serait toujours Gallimard mais ses publications nrf. Ce rouge et ce beige, il est vraiment très beau, mais je ne marche plus, et c'est salissant. Je pense en fait qu'il faut plutôt se préoccuper du choix des nouvelles couvertures Folio qui de plus en plus fait le choix de prendre des photos de banque d'images, genre Getty ou Corbis, rien de plus moche et de plus impersonnel. La mécanique des femmes de Calaferte, qui bénéficiait d'une belle et mystérieuse couverture, je l'avais d'ailleurs acheté pour ça, la couverture a maintenant changé. Le lendemain c'est X. qui me demande lors de la soirée Forum, "hé Murielle, t'as vu les nouveaux Folio ?". C'était donc un évènement.
On peut s'amuser à se poser la question de l'influence d'une couverture sur le choix du lecteur. On peut difficilement rendre une image fidèle au contenu qu'elle tente d'illustrer, pourtant il y a moyen de réduire au maximum l'effet trompeur que celle-ci peut avoir sur le contenu. Il ne faut pas qu'elle avantage trop sans pour autant le desservir. Peut-être que l'absence d'image est en fait le meilleur choix, dans ce cas il faudrait alors pouvoir supprimer le titre des livres qui sont à leur façon trompeurs. Oh je ne sais pas.
peinture de Francine Van Hove
Eugene McGuinness - Fonz
Ce passage au Virgin a aussi été l'occasion pour nous de découvrir la tête des nouveaux Folio. Le constat est sans appel, extrême déception. Folio qui jusque-là l'emportait loin devant les autres maisons de poche vient de perdre de son prestige. Un jour quelqu'un m'a écrit : "le partis pris de sobre élégance des Folio m'énerve un peu", je ne pouvais qu'être d'accord même si vraiment je ne le ressens pas du tout comme ça, peut-être parce que le livre de poche en général m'est sympathique, en fait je pense que s'il fallait critiquer quelqu'un ce serait toujours Gallimard mais ses publications nrf. Ce rouge et ce beige, il est vraiment très beau, mais je ne marche plus, et c'est salissant. Je pense en fait qu'il faut plutôt se préoccuper du choix des nouvelles couvertures Folio qui de plus en plus fait le choix de prendre des photos de banque d'images, genre Getty ou Corbis, rien de plus moche et de plus impersonnel. La mécanique des femmes de Calaferte, qui bénéficiait d'une belle et mystérieuse couverture, je l'avais d'ailleurs acheté pour ça, la couverture a maintenant changé. Le lendemain c'est X. qui me demande lors de la soirée Forum, "hé Murielle, t'as vu les nouveaux Folio ?". C'était donc un évènement.
On peut s'amuser à se poser la question de l'influence d'une couverture sur le choix du lecteur. On peut difficilement rendre une image fidèle au contenu qu'elle tente d'illustrer, pourtant il y a moyen de réduire au maximum l'effet trompeur que celle-ci peut avoir sur le contenu. Il ne faut pas qu'elle avantage trop sans pour autant le desservir. Peut-être que l'absence d'image est en fait le meilleur choix, dans ce cas il faudrait alors pouvoir supprimer le titre des livres qui sont à leur façon trompeurs. Oh je ne sais pas.
peinture de Francine Van Hove
Eugene McGuinness - Fonz