lundi 31 août 2009


Mon père est rentré à 2h du matin et il m'a dit qu'il venait de recevoir un sms et qu'Emile et maman ne rentraient pas demain à 20h mais ce soir à 5h du matin, il avait donc 2h pour dormir et si j'étais encore réveillée d'ici 5h et que lui non et bien je devais le réveiller. J'étais toute excitée, je les imaginais dans la fraîcheur de l'avion (qui est une chaleur du point de vue de la température extérieure) et dans la nuit, puis se lever des sièges, les membres tout engourdis, se demandant tout en se dirigeant vers la sortie s'ils avaient quelque chose à piquer dans l'avion, les couvertures ou les masques pour dormir. J'étais au salon, mes livres, mes dvd, ma bouffe, mes fringues, mes chaussures tout ça autour de moi, il fallait que je range tout et que je réintègre ma chambre mais j'ai attendu que mon père parte les chercher (je l'imaginais dans la chaleur de la voiture, avec un peu de radio, les yeux innocents de la fatigue, la route émouvante qui conduit jusqu'à l'aéroport CDG, le Stade de France) pour commencer: d'abord ranger ma chambre pour pouvoir y ramener le bordel qui était au salon, j'ai sorti l'Ajax et allumé France Inter, les émissions estivales disaient au revoir et à l'année prochaine. Je déteste ranger et nettoyer le jour parce que la lumière du jour c'est comme si elle vous montrait cruellement du doigt où se trouve la saleté, c'est un peu désespérant, comme quand je regarde la peau de mon visage à la lumière du jour, j'y vois mille irrégularités que je ne vois pas la nuit et je me dis que jamais aucun garçon ne pourra aimer ce visage pourri. La nuit c'est bien, on croit que tout est propre.

A 6h j'avais pris un Donormyl de chez mon père, je redoutais un peu d'être levée quand ils seraient là, ça faisait un mois que je ne les avais pas vus, j'appréhendais bêtement en me sachant capable de relativiser (c'était ma mère, c'était mon frère), je ne savais pas vraiment quoi faire : rester éveillée pour leur dire bonjour et manger des trucs avec eux ou dormir, finalement je me suis endormie et ce n'est que vers 15h que j'ai distingué le haut Gap de ma mère, elle était debout devant moi, à cause de ma myopie et de la fatigue de mes yeux je ne l'ai pas très bien vue mais je savais que c'était elle parce qu'elle était rentrée et que je reconnais sa voix qui m'appelle mumu. A chaque fois les gens bien réveillés considèrent les gens qui viennent d'ouvrir les yeux comme parfaitement aptes à entamer une conversation et à réagir alors que je me sentais encore plutôt du côté du sommeil que de celui de la veille. Après lui avoir fait la bise les yeux lourdement fermés, elle m'a offert mes cadeaux à même le lit, c'est toujours plutôt marrant, comme elle ne trouve jamais rien sur les lieux de voyage elle me prend ce qu'elle trouve dans les boutiques Duty Free, des parfums le plus souvent, que je vide sur mon cou de façon indifférente, sans me préoccuper de l'odeur. Je me suis levée, je suis allée serrer la main d'Emile, je connais son manque d'enthousiasme dans tout ce qui est retrouvailles et j'essaye le plus souvent de le surprendre dans sa crainte en adoptant des réactions on ne peut plus modérées. C'est très reposant de pouvoir se permettre ça avec quelqu'un. J'ai mangé des tartines devant ma mère, je crois qu'elle mangeait avec moi et que nous discutions, je ne la voyais toujours pas distinctement. Au fur et à mesure qu'elle vidait les valises elle me sortait les cadeaux que ma famille me destinait, des cadeaux que je n'aime jamais et que j'accueille par un "oh c'est gentil" qui n'espère plus rien. Quand ma grand-mère me demande ce que je veux comme cadeau au téléphone je lui dis des pyjamas, des pyjamas pour l'hiver.

Plusieurs fois dans la journée elle m'aura demandé "t'es contente qu'on soit revenu? On t'a manqué? Radio Orient ça t'a manqué hein", je trouvais ça marrant, je ne savais pas qu'elle était capable de recul sur elle-même à ce point, oui Radio Orient m'avait peut-être manqué. Dans une famille nombreuse on apprend très bien à ne pas pouvoir toujours faire ce qu'on veut, aussi je dois demander la permission si je veux mettre France Inter, j'ai dû longtemps partager un ordinateur avec Emile et Myriam, à partager -encore maintenant- ma chambre avec elle avec tout ce que ça suppose de compromis, de privations pour permettre une cohabitation sans heurts.

Le soir je m'étais habillée pour faire un truc et puis progressivement j'ai accepté de ne pas sortir, pas aujourd'hui en tout cas, je pouvais me le permettre, avant c'était plutôt le contraire, je ne sortais pas de la semaine et je m'autorisais à sortir un jour. Quand j'y repense rester 4 jours à la maison me paraît maintenant infaisable, presque irréel. C'est dans ces détails qu'on constate le progrès, du moins le changement. Je ne savais pas quoi faire, mettre un film en marche sur mon ordinateur me paraissait le bout du monde, toutes activités me paraissaient être le bout du monde, ma volonté n'était à la hauteur de rien. Je suis entrée au salon, Emile était allongé sur le lit et ma mère était sur le canapé avec son ordinateur sur les genoux. Je leur ai dit qu'il y avait Pretty Woman à la télé, je n'avais jamais vu ma mère se réjouir autant qu'un film passe à la télé, ça a toujours marché comme ça avec elle, elle fonctionne au souvenir plus qu'à la curiosité. Emile a mis TF1, je sais que je me suis allongée pas trop loin de lui avec l'intention de rester un peu, et puis tout bien réfléchi je n'avais rien de mieux à faire alors je me suis laissé porter par l'histoire avec ma mère derrière moi que je savais attentive, je craignais que l'histoire la fasse encore rêver. J'ignore quand Emile est parti dans sa chambre, je crois que c'était au moment où ma mère lui a rendu la clé USB pour internet. J'imagine que toutes les deux avions prévu de faire autre chose de notre soirée mais malgré une connaissance aigue du film nous restions subjuguées et dans l'incapacité de faire autre chose, comme ça peut arriver pour un livre: on se fixe jusqu'à ce chapitre puis on a envie de savoir ce qui se passe dans le chapitre suivant, puis dans le suivant, et enfin on arrive au bout du livre. Ce qui aussi intéressant pour moi c'était de revoir ce film des années après, alors que je me suis disons intéressée au cinéma et que de nombreuses images me sont restées au fond des yeux. Je reçois tout autrement, et c'est ça qui fait qu'on peut relire les livres, revoir les films, parce que c'est nous qui changeons et que les histoires se déploient autrement suivant ce qu'on a compris et appris de la vie, du cinéma, de la littérature. Je partais avec un mauvais a priori, celui dont j'ai déjà parlé et qui fait que je renie ce que j'aimais avant, et en fait le film était très bien, assez subtil et même modéré dans l'enthousiasme général que suppose une fin heureuse. Julia Roberts a longtemps été l'actrice préférée de ma soeur et de ses cop's, moi elle me répugnait, sa peau et sa faiblesse me répugnait, sa façon de marcher comme un mec, longtemps ma mère s'en est plainte tout en se réjouissant de trouver un défaut à cette femme. Ma mère s'est levée pour prendre un truc à manger, elle venait d'arriver et n'était pas trop au courant du contenu du frigo qui en son absence était devenu mon territoire, elle a fait avec mes produits, elle a fini mon sac de carottes râpées/céleri/chou blanc, je pouvais l'entendre mâcher derrière moi parce que l'ensemble est plutôt bruyant, ça ne me gênait pas, ça me rappelait sa présence, je n'avais aucune raison de ne pas être apaisée, je baignais dans une chaude quiétude possible qu'en famille. J'étais au fond bien contente qu'ils soient revenus, tout était plus grave sans eux et maintenant tout a repris de sa légèreté, de sa bonhomie, la famille c'est encore soi-même, c'est une présence sans enjeux, sur laquelle on peut se reposer.

Nobody Knows de Hirokazu Kore-eda

Girls - Hellhole ratrace

5 commentaires:

Juliette a dit…

J'aime pas quand y'a 0 commentaire, c'est quoi cette paresse des gens

françois a dit…

oh oui et lust for life aussi !

Mabel a dit…

J'ai lu Le Métier de Vivre grâce à toi, et je me sens obligée de te remercier du fond de mon âme.

Murielle Joudet a dit…

OUI FRANCOIS, Lust for life aussi, vivement la sortie de l'album.


De rien Ma belle. (de toute mon âme aussi, hihi)

Anonyme a dit…

4 commentaires ça le fait tout de suite plus, on peut lire avec l'âme en paix. à quoi ça tient.