jeudi 20 août 2009


Je m'en veux assez fortement de ne pas accrocher à Faulkner, la lecture d'un livre n'a jamais été aussi laborieuse, pourtant partout sur le net cela crie au chef-d'oeuvre concernant Le bruit et la fureur, les lecteurs expliquant s'être heurté eux aussi à l'incompréhension des procédés utilisés par Faulkner mais, paraît-il, c'est une fois le livre terminé que l'on prend conscience du chef-d'oeuvre que l'on vient de lire. D'accord, soyons donc patients. Pour la lecture il faut pourtant fonctionner à l'instant présent, le plaisir doit être immédiat. Le livre, tu l'aimes ou tu le quittes.

Croisé Adrienne Pauly à la librairie la Hune, je l'ai reconnu de dos, c'était improbable. Elle repartait avec deux énormes sacs sous doute remplis de livres, c'était assez fou. Elle portait une robe à pois, d'assez haut talons compensés en corde avec le dessus rouge et une sorte de veste en satin avec les manches élastiques façon veste de sport sur lesquelles passaient deux bandes blanches, un sac noir American Apparel je crois, le format pour ordinateur, puis les cheveux ébouriffés et des Wayfarer sur la tête. Ces sacs ont sonné quand elle est sortie, le gérant les lui a repris pour régler ça, ils semblaient bien se connaître. Cette mésaventure des sacs qui sonnent m'a offert quelques secondes de plus pour l'observer. Le plaisir des images.
Je ne connais rien de cette fille, je suis juste tombée sur le clip de "J'veux un mec" un soir d'insomnie et déjà elle m'agaçait en même temps qu'elle m'attirait. J'aime son look, son modèle de féminité qui sied parfaitement à son petit corps maigre, et ses cheveux qu'elle ose garder n'importe comment sur la tête. Elle semble chez elle dans son corps, à l'aise, avec un côté jem'enfoutiste assez calculé pour que justement cela ne fasse pas calculé, bref, une somme de détails qui rend l'ensemble charmant. "J'veux un mec" est quand même une très bonne chanson et me suffit assez pour ne pas nourrir de curiosité à l'égard du reste de sa discographie.
Le truc assez fou c'est que rien dans mon comportement ne présageait que je la connaissais, j'imagine que ça lui aurait fait plaisir de savoir que j'étais au courant de ce qu'elle faisait mais, faut de trouver une manière subtile de le montrer, j'ai préféré faire l'ignorante. Comme pour Edouard Baer à Arles, n'est-ce pas les filles?

08H46 du matin, encore levée. J'ai voulu commencé Boulevard Saint-Germain de Gabriel Matzneff pour "voir ce que ça donne", je n'ai pu m'arrêter qu'au bout de 100 pages. Déjà avant son dandysme revendiqué m'exaspérait, cette façon bien à lui de dire et de prouver qu'il fait précisément ce qui lui plaît me fascine en même temps qu'elle me dégoûte profondément. Je jalouse Gabriel Matzneff et les moindres efforts qu'il semble avoir fourni pour avoir eu une telle vie, aussi bien remplie, aussi délicate, aussi obscène dans l'accomplissement de ses plaisirs. Qu'il sache simplement à quel point son sort relève de la chance et donc de l'exception et qu'il est idéal d'exiger comme principe pour soi-même celui du plaisir et du bon goût mais qu'on ne saurait le vouloir pour les autres sans négliger une série de facteurs qui y font opiniâtrement obstacle. Reste que je le lis toujours autant compulsivement.

Par l'écriture on arrive, Gabriel Matzneff arrive à tout justifier: on a jamais autant accepté l'attirance d'un adulte pour "les moins de 16 ans". Ce que l'on pourrait appeler pédophilie n'est en fait qu'obéissance aux exigences de l'idée du beau.

En fait, j'exécute, je regarde, je lis de façon scrupuleuse tout ce que M. Franck m'avait conseillé ou semblait apprécier: je regarde des films de David Lynch et de Louis Malle, je refuse d'abandonner Faulkner, j'ai décidé de penser comme lui concernant Woody Allen, je m'évertue vainement à apprécier Jacques Tati.
Je pense que notre génération manque trop d'innocence pour apprécier à sa juste valeur Jacques Tati. Je me souviens de cette petite fille dans la salle où j'étais allée voir Jour de fête, elle ne devait pas avoir plus de 7 ans et était assise au milieu de ses parents quelques rangées devant nous. Elle rigolait et rigolait sans retenue devant les gags qui ne faisaient que moyennement rire les adultes de la salle mais qui contaminés par la joyeuseté sincère de la petite fille et de sa soeur plus jeune avaient fini par rire aux éclats non pas à cause du film mais de la magie et de la pureté retrouvées du rire de ces deux enfants. Autant que nous sommes je pense que nous étions conscients d'être face à ce que Jacques Tati aurait voulu, avec ses films, précisément provoquer.

photo : Adieu Philippine de Jacques Rozier


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Soyez donc comme ces petites filles qui rient innocemment en regardant Tati- personnelle comme vous l'étiez dans vos goûts, dans vos découvertes et vos émerveillements, dans votre regard sur les êtres, les livres, les films, avant de vous laisser impressionner et influencer par NF... On sent que son fantôme vous habite, et ce n'est plus vous...ce n'est plus votre voix...

la femme de Mario a dit…

tes lecteurs sont tellement passionnés qu'ils sont vraiment prêts à dire n'importe quoi ! vis, petite hirondelle, crie à plusieurs ailes, ris du peu qui te zèle !

Juliette a dit…

"La vie en tournée, c'est comme une drogue. Savoir que vous êtes le seul événement du soir dans une petite ville après 20h, c'est extraordinaire."
Édouard Baer

alors quid d'être l'événement de la VIE de trois petites têtes brunes parisiennes !! uber-extraordinaire