jeudi 21 octobre 2010

peut-être que les problèmes différent selon l'environnement : penser sous le ciel laisse place à des tristesses métaphysiques et à une envie de montrer au monde ce dont on est capable. A l'inverse rester chez soi s'accompagne d'un manque de volonté rond et chaud, on investit son anonymat, son inutilité. Vous me direz : c'est très beau d'être inutile, les meilleures choses le sont, je n'entends pas l'utilité dans ce sens, je ne sais pas, il y a un moment où il faudrait enfin se mettre à exister pour de bon, ce sera le moment où justement la question de l'inutilité ne se posera plus. Peut-être faudrait-il parler de gaspillage, d'une opportunité comme dans certains jeux vidéos où vous attrapez une potion sans trop savoir quand est-ce qu'il faudra l'utiliser; mais ne pas l'utiliser serait pire. Est-ce que la situation est assez grave pour commencer à agir? Ou peut-on encore attendre un peu?
Quand je rentre chez moi toutes mes fatigues se dissipent toujours, maman a préparé du riz au poulet et il y a toutes sortes de yaourt pour le dessert: on peut en manger trois et maman parle par dessus la radio, il y a la voix de maman qui dit des choses anodines à propos du riz ou de la vaisselle et juste, tout juste en dessous il y des voix graves qui discutent de philosophie, Emile veut que maman arrête de parler pour raconter sa journée jusque dans les blagues qu'il a faites à ses copains: bref, c'est un monde mordoré et calfeutré, sans interstices pour les grandes questions.
Ensuite on rentre tranquillement dans sa chambre en sachant qu'on reviendra se faire un thé ou prendre un verre de coca; j'aime siroter dans ma chambre. S'ensuit une appropriation émouvante de sa chambre : fermer la fenêtre que j'avais ouverte au moment de partir, allumer le chauffage, régler les éclairages, débarrasser le lit des magazines et des vêtements, traîner d'abord sur le lit encore fait, puis le défaire à un moment, puis prendre une douche et se mettre en pyjama, c'est toujours assez laborieux, plier ses affaires dans son armoire, je le fais tout le temps, il y en a qui laisse traîner, puis enlever ses lentilles, geste qui avec le brossage de dents annonce qu'on s'apprête à aller au lit sans compter se relever. On s'endort comme on se console, tourné vers soi-même, situé dans un entre-deux encore conscient entre la journée achevée et celle qui arrive et dont on trace les grandes lignes de l'emploi du temps qu'on connaît un peu. Mais bien sûr chaque jour a sa surprise, son bonbon, sa joie simple mais compliquée, restons-en persuadés.

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