dimanche 2 janvier 2011



"Nous bavardons et nous avons des "copains" de bavardage. Les copains, tous les accros du bavardage le savent, vont et viennent - mais on en trouve toujours qui ont hâte de noyer le silence dans les "messages". Dans une relation de type "deux bons copains", ce ne sont pas les messages en tant que tels, mais le va-et-vient de messages, la circulation des messages, qui est le message - peu importe le contenu. Nous appartenons au flot régulier des mots et des phrases inachevées (certainement abrégées, tronquées pour accélérer la circulation). Nous appartenons aux paroles, et non à ce dont on parle. [...]
Un commentaire s'impose: cette "interaction", bien que frénétique, ne semble peut-être pas si frivole que cela, après tout, une fois qu'on a compris le fait que le but - son seul but- est d'entretenir le bavardage. Ces unions ne reposent sur rien d'autres que nos bavardages et nos messages; elle ne va pas plus loin que les paroles et les messages. Cessez de parler - vous voilà exclu. Silence égal exclusion. Il n'y a rien en dehors du texte, en effet - et pas seulement comme le pensait Derrida..."
L'amour liquide - Zygmunt BAUMAN

- On ne parvient jamais à une évaluation objective de sa propre situation, est-on un perdant ou un gagnant? Pour nous-même et pour nos proches la question ne se pose pas, rien n'est jamais binaire dans la vie et tout est très compliqué. Mais il semble que pour les autres, ceux qui entrent sommairement en contact avec vous cela a l'air de compter, il vous scrute comme pour chercher la réponse dans l'un des plis qu'aurait pris votre visage à force d'habitude à avoir ce que vous voulez ou à ne pas l'avoir.

- Il n'y a plus de rencontres, rencontrer finit par signifier : vouloir que les autres nous rencontrent, et lorsque les autres nous rencontrent on se rencontre soi-même, on en apprend sur soi-même. Le discours sur soi doit se tourner vers un autre pour mieux revenir vers soi, on y croit plus quand on procède par ce détour. Les pensées pour soi-même ne suffisent plus à se persuader que l'on existe et que l'on est assez intéressant pour continuer d'exister, il faut s'objectiver, se dépeindre pour les autres afin de mieux se peindre pour soi-même.

- Il me semble parfois que je suis à la limite de l'évaporation. Sociabiliser, ne serait-ce qu'en s'affichant, en rouvrant un compte sur xxx (à remplir) pour dire assez simplement "je suis là", je n'ai plus la patience ni la force, c'est trop dur, c'est un acte qui veut dire trop de choses, qui dit tout de notre insuffisance et de notre esseulement. Et puis de toute façon je ne suis plus là et parfois je suis à quelques centimètres de penser que je n'existe pas, je suis dans une solitude rêveuse en ce que je me laisse guider par l'intrigue que les jours m'imposent, je suis choisie par les choses. Je peux passer des journées à recevoir des informations, toujours en phase de réception et en n'exécutant que des actes que les autres auraient pu faire, ma subjectivité étant en jeu à un degré ridicule.
S'inscrire à, jouer le jeu c'est se trahir, autant parler vraiment tout seul plutôt que de simuler un semblant d'interaction, de sens, de contenu, d'intérêt pour autrui. Je ne sais pas comment font les autres, mais peut-être que si tout le monde fait "comme si" alors le "comme si" devient la norme. C'est pour ça que dans deux trois ans, puisqu'avec le temps cela empire, je finirai bien par m'évaporer à force de n'avoir aucune idée de ce que je suis et de me sentir rétrécir. Je manque de détour, parce que par orgueil je refuse de jouer un jeu doucement immonde, mais ce manque me fait souffrir et peut-être qu'il vaut mieux jouer. C'est par une série de petites actions que j'en viens à présent à me rendre compte que c'est clairsemé autour de moi. J'ai voulu mettre fin à des relations ou la personne en question l'a fait pour moi (car je suis dégoûtée autant que je dégoûte), je n'ai pas su en entretenir d'autres, j'ai tout laissé pourrir et je referais -à quelques exceptions près- exactement la même chose aujourd'hui: faire pleurer Céline au collège en lui disant que je ne veux plus être son amie, etc.

- L'autre jour dans ce film (Faux mouvement de Wenders), il disait que la solitude n'était qu'un sentiment théâtral : je suis assis seul, je vois passer un groupe et je me mets à penser qu'ils doivent se dire que j'ai l'air bien seul.
Et si le groupe ne passe jamais (même en imagination)?
Alors la solitude n'existe plus.

4 commentaires:

grundlos a dit…

Ouais "'l'évaporation". C'est vrai que c'est séduisant, grisant même. On se sent comme une machine abstraite intangible, en contrepartie de quoi on a plus prise sur rien. Et pour faire marche arrière alors accroche toi. On se condense dans les larmes.

Murielle Joudet a dit…

Et le fait d'être en dehors d'absolument tout (même quand on est censé être en dedans) se double d'un regard paternel d'une pseudo-sagesse sur les autres, comme si être en dehors voulait dire être revenu de tout.

ashorlivs a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Juliette a dit…

ashorlivs ! tu fais TOUJOURS le même commentaire !