jeudi 13 août 2009

En entrant dans l'appartement "le vertige du retour" m'a pris, cette sensation qui normalement ne se manifeste qu'après un mois de vacances, mais jamais après des vacances de courte durée. Cela se traduit par le sentiment d'entrer dans un endroit à la fois bien connu mais qui, par le temps que l'on a passé loin de lui, s'est paré d'un voile d'étrange nouveauté. Je connais les gestes et les façons de faire avec ce monde, cette chambre c'est la mienne, mais j'ai tout de même le sentiment de devoir faire quelques séances de rééducation. C'est en résumé, la conscience la plus poussée, le regard le plus extérieur que l'on puisse avoir sur ses propres affaires. Cela ne dure pas longtemps, et j'ai toujours quêté ce vertige.

Il y a toute une petite danse d'habitude qu'en six jours j'ai eu le temps de perdre quelque part, de remplacer par d'autres. J'ai l'impression d'être partie un mois, certainement à cause du fait que je faisais chaque jour beaucoup de choses, que je m'endormais bourrée de nouvelles images, de nourriture et de soleil, ce qui ne m'était pas arrivée depuis longtemps. Alors ce matin, je ne sais pas, je me suis levée et j'ai feint devant les objets et les meubles de savoir quoi faire, de maîtriser la situation. France inter, le café, le retour au lit, un peu de rangement, un film, une vague sortie de prévu tout ça dans un appartement sérieusement déserté, non pas la famille au travail mais dans d'autres pays; à l'exception de mon père. On se rend finalement compte que c'est très facile de reprendre le film là où on l'avait laissé, c'est plus dur, peut-être, de se dire que ce film dura grosso modo un mois et demi. Combien de personnes qui ne partent pas en vacances? Que peuvent-elles bien faire de leur journée? On suppose l'ennui partout et des journées sans scénario, sans liens entre elles sinon cet ennui et qui tombent dans l'oubli du sommeil.

Ma mère n'a même pas rangé ma chambre. Pourtant, elle est toujours partie au Liban en rangeant la maison en mode maniaque: le lit était défait, le dvd de Hellboy et des mangas trainaient par terre, Emile n'a même pas eu la délicatesse de dissimuler les traces de son passage, quel con quand même. Cela m'a un peu irrité, j'aime rentré chez moi avec la chambre débarrassée de vécue, on sent que comme ça, on peut tout recommencer sainement. J'ai de toute façon assez vite compris qu'il allait me falloir remédier à ce vrai-faux bordel, c'est à dire à ce qu'on appelle plus communément l'accumulation. L'accumulation est dangereuse en ce qu'on décide de la prendre et de l'assimiler dans l'ordre de la pièce: c'est comme ça que j'arrive à prendre ma pile de livres comme faisant partie de la chambre alors que ma mère la considère comme du désordre. Plus largement, c'est aussi comme ça que certains arrivent à voir de l'ordre là où d'autres ne perçoivent que du désordre. D'abord me débarrasser de certaines fringues, pour accueillir les futures, puis les chaussures, les sacs, et la paperasse qui s'accumulent, mélange de prospectus pour des films, des expos, des trucs de mon année de terminale, de papiers récoltés à la Sorbonne, de facture de l'OFUP version 2 impatiente d'être réglée ou de la maison des examens m'annonçant que pour réclamer des copies il va falloir attendre la mise en place d'un nouveau logiciel sur internet, etc. J'avais bien aimé cette lettre d'ailleurs, à défaut d'en recevoir, je cherche la petite attention dans la paperasse robotisée. Donc un ménage assez sérieux, qui suppose que l'on se détourne des couches superficielles pour plonger au coeur des nappes phréatiques du désordre - le Grand ménage, la nouvelle vie. Le vrai nettoyage se veut efficace et sans états d'âme, c'est comme ça qu'on se retrouve à jeter des papiers qui, lors d'un premier rangement, nous paraissait précieux et regorgeant de souvenirs, ou à donner des vêtements alors qu'on ne s'imaginait pas vivre sans eux. C'est comme ça, on est en fait, criblé de désirs passagers et le monde que l'on compose autour de nous en est un précis témoignage.

Je viens de me rendre compte que si je n'étais pas allée à cette séance de cinéma d'Une journée particulière je n'aurais certainement jamais eu l'occasion de voir le film, alors que je l'ai aimé avec étonnement, que je l'ai même adoré, qu'il m'a fait plaisir de la façon la plus sincère et simple qui soit, à la fois pour son histoire, que pour ses décors et l'attention portée à quelques scènes du quotidien, puis une scène brillante d'un érotisme pudique et en même temps terriblement efficace.

Deux vieux qui parlaient derrière. Qui criaient même. Comme on s'imagine deux vieilles personnes un peu sourdes, sauf que là c'était pendant la séance. Ça a commencé par "JANINE, CEST TOI? VIENS LA, YA UNE PLACE ICI". Puis "IL LUI EN OFFRE PAS? (en parlant d'une omelette)....AH, BON." J'étais juste devant eux mais je manque de courage pour leur dire de fermer leur gueule, au début la salle riait gentiment puis une personne leur a crié de se taire.
Fin de la séance, sûrement le même homme qui en passant leur dire "ce serait agréable que vous appreniez à vous taire au cinéma, vous êtes pas devant la télé ici". Les deux vieux, c'est comme s'ils n'entendaient pas, de brefs "oh mais qu'est-ce qu'il dit", c'est comme si on ne pouvait pas les changer de leurs habitudes, jamais jamais.

The Specials - Ghost Town

1 commentaire:

Juliette a dit…

what the fuck what the fuck